Rencontre sous l'ombrelle d'une réflexion [P.V : Alexandra]

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Silencieusement, sa monture s’avançait d’une manière des plus paisibles sous le ciel blessé qui présageait déjà de la nuit à venir d’ici quelques heures, tandis que le temple se dressait un peu plus haut, devenant invisible derrière ces arbres qui enlisaient le chemin que Le Balafré et Dae empruntaient à cet instant. Et il devrait bel et bien le contourner pour rejoindre Otian, mais il avait encore le temps, celui de ne pas se précipiter, malgré ses allures d’éternel voyageur, d’érudit égaré parmi ces lieux, ancien combattant renouant avec l’art de la guerre en l'honneur du tournois. Car il jouait son rôle d’une merveilleuse manière, parvenant à convaincre qu’après les malheurs arrivés aux Terres Oubliées, il avait tourné le dos à son passé pour se consacrer à des choses plus individualistes… Ses amis riraient sans doute de bon cœur s’ils entendaient ses boniments, mais il n’était pas si difficile pourtant de l’imaginer perdu dans des livres, ses doigts faisant glisser une plume sur un parchemin, puisqu’il le faisait déjà bien avant, dessinant des cartes, s’exilant dans des récits ayant galvanisé son âme de légendes, de vérités, de tactiques également.

Le fait étant qu’à cet instant il se laissa glisser sur la robe de sa monture sous une souplesse des plus nobles, esquissant gracieusement les naseaux de l’animal, dévoilant légèrement la chemise qu’il portait sous l’imposante cape qui en venait même à retomber négligemment sur les traits de son visage, dissimulant aux yeux du monde son regard et cette cicatrice qui lui avait valu son surnom… Le levant pourtant sur cette immensité bleu, le général qu’il était ramassa un galet à même le sol, avant de se rapprocher, délaissant Dae qui s’esquiva de quelques pas pour brouter une herbe bien méritée tout en gardant un œil sur son maître avec l’inquiétude manifeste d’une implicite complicité, son sabot heurtant rudement le sol sous chacun de ses pas.

Mais Deylan n’en avait cure, il observait ce lac qui aurait pu dans d’autres circonstances servir de refuge. Mais que les Dieux lui pardonnent l’impétuosité de son âme qui songeait qu’il fallait peut-être bien une première fois à cela, mais risquerait-il pour autant la vie de ses hommes… il avait entendu parler de ce monstre que personne n’avait pourtant vu de ses yeux, et qui protégerait un fantastique trésor dormant au fond de ces eaux. Comment faire pour apaiser une créature, lui certifier que l’on ne voulait que traverser… et surtout, existait-elle ? Persistant sur ce rebord verdâtre, le combattant effectua quelques pas sur cette berge de fortune, réfléchissant à la possibilité de se rendre au temple pour y consulter la bibliothèque, chose qui lui plairait infiniment, mais des années seraient passées bien avant qu’il en ait terminé la lecture et il ne pouvait se le permettre.

Faisant machinalement tourner la petite pierre entre ses doigts, le voyageur restait pensif, tandis que le reflet joueur du vent soulevait par instant sa capuche qui ne chutait pourtant pas. Car même si ce que renfermait cette bibliothèque ne serait pas d’un grand secours dans l’affrontement à venir, peut-être certaines informations le seraient-elles… et une fois tout ceci ouvertement clamé, il n’y aurait définitivement plus accès, à moins d’avoir recours à la magie noire qu’il peinait à manier, cela se révélant diablement difficile à manipuler, puisqu’il obtenait généralement le contraire… et encore à moindre coup si cela se produisait, de ce qu’il désirait. De plus, ce n’était certainement pas à présent qu’il pouvait se permettre de perdre du temps… ce qu’il détestait ce terme lorsqu’il s’agissait de lui-même. En d’autres périodes, il les aurait dérobé ces instants, privilégiant sa propre ambition. Mais il y avait Thanos, et sa fidélité était tel un poison qu’il aimait à outrance, se sacrifiant sans la moindre honte ou remord.

Mais, percevant l’agitation subite de sa monture, Deylan compris que quelqu’un approchait, aussi se contenta-t-il d’envoyer le galet sur l’eau de manière à ce qu’il y glisse avec harmonie, cherchant même à influencer sa course sous une concentration nouvelle. Mais il ne fut sûr de rien, si ce n’était de la fragrance que lui portait l’air ambiant, l’incitant gracieusement à se retourner, persistant à dissimuler sa propre noblesse derrière ce vêtement de voyageur qui recouvrait le haut de son visage d’un voile de noirceur qui ne lui retirait aucunement sa visibilité. Surpris… il remarqua un visage qu’il avait déjà entrevu brièvement… la princesse de Rugilian. N’ayant jamais eu l’occasion de lui parler, il ne souffla guère d’autres mots qu’un simple…

« Bonsoir Ma Dame. » qu'il glissa d'une voix profonde et calme, tandis que ses lèvres s’incurvaient légèrement sous la forme d’un sourire à l’apparence bienveillante.

Pourquoi cracher sur une occasion d'en apprendre d'avantage sur elle ?

Le soleil commençait déjà à se coucher peu à peu, embrassant tendrement le lac de ses rayons rougissants. Les couleurs flamboyantes que projetait l'astre englobaient lentement le paysage, le rendant d'autant plus magnifique qu'il ne l'était déjà. Les reflets qui se déposaient dans l'eau douce étaient quelque peu troublés par la douce brise accompagnant le crépuscule. Le ciel s'assombrissait doucement, laissant le soleil partir vers d'autres horizons lointains. Les rares nuages qui persistaient encore à perturber le spectacle splendide se dispersèrent et finirent par laisser la pleine vue sur le coucher du soleil. Se rendant compte de la venue de la nuit, les animaux diurnes de la forêt retournèrent dans leurs terriers, s'abandonnant au sommeil qui s'imposait à eux.

Mais Alexandra était loin d'assister à ce spectacle des plus beaux et surprenants. Elle ne s'était même pas rendue compte de l'achèvement du jour, qui allait bientôt laisser place aux ténèbres de la nuit. Non, à ce moment précis, toute son attention était concentrée sur autre chose: ne pas laisser ses pieds s'enfoncer dans le lac. Car aussi étonnant cela soit-il, elle était au centre de celui-ci, usant de toute sa concentration pour se maintenir debout sur l'eau. Pourquoi un acte aussi étrange ? Et bien... malgré le fait que son entraînement fusse terminé, sa maîtrise de la magie des éléments n'était pas encore parfaite et elle se devait d'apprendre à la contrôler sans fautes. Après tout, on lui avait donné le titre de maître des éléments. Ne se devait-elle pas de tout faire pour avoir ne serait-ce que l'impression de le mériter ? Aussi, à cet instant là, elle usait de son énergie pour manier l'eau qui était en elle, pour qu'elle se mette en opposition avec celle du lac, afin qu'elles se repoussent. Ayant bien réussi jusque là, elle augmenta la force de ce repoussement pour pouvoir s'élever de quelques pieds dans l'air. Tout était parfait jusqu'à ce qu'un bruit, le hennissement d'un cheval, ne retienne l'attention de la princesse. Cette dernière ouvrit les yeux et leva la tête afin d'en apercevoir la source mais elle n'en eut pas le temps, car sa déconcentration lui fit perdre le contrôle de l'eau. Une seconde plus tard, elle se retrouvait elle-même dans l'eau. Celle-ci était légèrement froide mais la jeune femme ne craignait aucunement cette fraîcheur qui lui était même agréable étant donné que la température habituelle de son corps était elle-même si basse qu'une autre personne aurait facilement perdu la vie à sa place étant donné que ce froid se rapprochait étonnament de celui des morts.
Ce qui était d'autant moins agréable que la fraîcheur de l'eau, en revanche, était cette humidité qui s'était emparée d'Alexandra ainsi que de ses vêtements. Mais sa robe étant légère, elle n'eut aucun mal à rejoindre la rive, en soulignant le fait qu'elle était une nageuse hors-pair. Une fois dans l'eau elle était telle une sirène des plus élégantes et majestueuses.

Lorsque la profondeur du lac le lui permit enfin, la princesse se mit debout et en sortit à pied. Elle prit le soin d'essorer ses longs cheveux noirs ainsi que sa robe qui se collait à son corps en raison de son état mouillé. Le soleil n'ayant pas encore tout à fait disparu, ses rayons faisaient quelque peu luire la peau si blanche et aux reflets légèrement bleutés de la jeune femme. Le visage impassible et ses yeux clairs et glacés, dépourvus d'une quelconque émotion, elle jeta un regard au coucher du soleil, sans cligner des yeux. Non, elle n'était plus cette jeune fille frêle et fragile, elle avait énormément changé. Cela se lisait sur ses traits, bien plus maturs et lui donnant facilement un âge plus vieux. Mais ces quelques années qu'elle avait gagnées sur son physique influaient aussi énormément sur son caractère. Elle était devenue bien plus intelligente et plus mature qu'il était possible de l'être à seulement dix-sept ans. Mais ces "progrès" avaient un prix. Cette chaleureusité qu'elle offrait auparavant avait elle aussi disparu, laissant place à cette froideur si effrayante. C'était comme si un vent glacial émanait d'elle, faisant trembler les plus coriaces. Mais ce n'était pas tout, son visage impassible, inexpressif, vide de toute émotion se rajoutait à cette peur qu'elle inspirait, rien que par un simple regard. Mais pour la première fois, alors que son corps et son esprit en indiquait tout le contraire, elle se sentait réellement en vie, comme si depuis toujours ce froid glacial était présent, comme s'il faisait partie d'elle même...

Alexandra n'avait même pas remarqué qu'à seulement quelques mètres à sa gauche se trouvait un homme, assis sur un rocher, s'amusant avec une pierre qu'il finit par lancer dans l'eau, la regardant ricocher quelque peu. Ce ne fut que lorsqu'il s'adressa à la princesse qu'il obtint son attention. Celle-ci se tourna vers lui, toujours sans cligner des yeux, ce qui devait être perturbant pour quelqu'un qui la regardait, puis le fixa un léger instant. Sa simple cape, recouvrant aussi son visage, ainsi que son cheval, qui broutait de l'herbe un peu plus loin, indiquaient que c'était un voyageur, comme tout autre. Et pourtant, l'aura qui émanait de lui indiquait tout autre chose... Qui était-il réellement ?

-Bonsoir, dit la jeune femme d'une voix impassible qui était tel un souffle d'air froid allant se déposer sur l'inconnu.

Un silence s'imposa pendant quelques instants, avant qu'Alexandra, se rappelant de l'étrangeté de sa situation, ne reprenne la parole, gardant cette même tonalité dans la voix qui lui était habituelle.

-J'ai eu un léger accident, en d'autres circonstances vous ne m'auriez pas vue ainsi, justifia-t-elle son état ainsi que celui de ses habits.

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Pourquoi cracher sur une occasion d'en apprendre d'avantage sur elle ?

D’autant plus que sa robe venait longer ses lignes gracieuses, l’enveloppant de cette indicible délicatesse qui devait sans doute captiver des foules, enjoignant presque à oublier cette subtile maturité qui se dessinait sur ses traits soyeux. Mais si ravissants puissent-ils être malgré cette humidité lascive qui émanait de tout son être, la jeune femme possédait cette froideur si surprenante lorsque l’on avait entendu parler d’elle. Néanmoins, Deylan avait entendu parlé de son éloignement, et il remarquait à présent à quel point celui-ci avait opéré en elle, lui dérobant cette chaleur caressante qu’il aurait pu y lire, s’attardant sur ces paupières qui ne s’abaissaient semblait-il jamais.

Attentif, il gravait chaque signe de sa personnalité dans le creux de son âme, apprenant ainsi à la connaître graduellement en glissant à ses côtés, sans même tressaillir sous la distance qu’elle instaurait dans son timbre sous un naturel troublant pour l’âge qui était le sien. Et pourtant, lui-même avait nombre de fois surpris ses interlocuteurs par son propre caractère particulier, qui s’enlisait dans l’immensité de ses réflexions, tant il était posé et calme, et ceux qui en étaient venu à le connaître tressaillaient même en cas contraire, tant ce fait était surprenant. Non pas dans les combats qui étaient les siens, mais dans cette attitude qui donnait l’illusion que chaque détail se retrouvait démantelé et étudié dans le creux de son âme.

Que cachait donc cette délicieuse princesse dans le secret de la sienne ? Immuable et silencieux, le Balafré persista dans l’ombre suave de sa capuche, inclinant imperceptiblement son visage sur le côté pour l’observer plus attentivement, comme pour lui souligner que l’eau du lac sinuait encore sur ses courbes. Et si un autre que lui aurait sans doute essayé de profiter de cette situation, lui n’avait aucune idée de ce genre, bien trop sérieux en un sens, il aimait s’attarder à apprendre, à saisir, à comprendre, à savoir… car la puissance n’avait d’autre réalité ; si l’on parvenait à saisir une vérité précieuse, alors le monde entier s’ouvrait et offrait une opportunité de survivre ne serait-ce qu’une seconde de plus.

Mais face à l’explication qu’elle lui servit pour expliquer sa propre position, le jeune homme laissa le sourire accueillant de ses lèvres s’empreindre d’une légère moquerie parfaitement justifiée… Les princesses se devaient forcément d’être parfaites en toute circonstance si l’on en croyait ce qu’elle lui glissait. Pourtant cela en était presque risible, de sang royal ou non, Alexandra n’en était pas moins une personne parfaitement normale, lui-même de par cette lignée noble qui l’avait précédé n’en était pas moins un soldat qui avait dû se battre pour arriver là où il se trouvait, prouver cette valeur qui porterait ses hommes jusqu’au profondeur des abysses les plus sombres s’il le leur demandait.

« Et je suis pourtant bien heureux de vous avoir vu ainsi, vous n’en paraissez que plus accessible malgré le ton de votre timbre. » souffla-t-il sous l’ombre d’un cynisme subtile, juste pour lui préciser le fond de sa pensée à ce sujet.

Esquissant l’ombre de quelques pas, il s’avança vers elle, sa longue cape ondulant contre ses jambes, serpentant contre le fourreau de son arme qui pendait à sa taille et descendait le long de sa cuisse, l’assurant de cette éternelle présence confortée par celle de sa dague glissée elle aussi à sa taille, mais perdue sous le voilage de sa chemise qui en dissimulait à son tour l’existence. L’éclat de ses prunelles se fit ainsi plus insistant, comme s’il désirait découvrir le fond des pensées de la jeune femme, chose qui lui était alors impossible sous la familiarité quasi-inexistante avec son élément. Il pourrait essayer tant de temps, qu’elle, sans doute, parviendrait à repousser ses intrusions de par sa propre avancée. A quelques pas seulement de sa personne, l’homme de guerre laissa ses iris s’attarder sur les siennes, malgré le fait que celles-ci ne puissent toujours pas en déterminer la réelle profondeur… peut-être si quelques centimètres de plus avaient été esquissés, pourtant l’on pouvait déceler cette légère cicatrice qui filait déjà sur sa pommette, prémisse de celle qui enlacerait éternellement son regard.

« Ou peut-être cherchez-vous à m’effrayer ? » demanda-t-il finalement de cette même voix profonde où se perdait néanmoins l’ombre d’une moquerie amusée, qui se retrouva immédiatement sur ses lèvres qui s’incurvèrent légèrement plus. « Mais vous vous décourageriez bien vite si tel était votre but. Néanmoins… craignez-vous le froid ? Ma cape est mitée par mes voyages, mais elle pourrait être votre un temps si tel est votre désir. » poursuivit-il avec une courtoise perfidie dissimulée derrière la simplicité de ses paroles et de son timbre.

Connaissait-elle ses traits ? Serait-il ainsi plus en sécurité sous le tissu de son vêtement ? Qu’importait tout ceci… Thanos était présumé mort par bon nombre de personne, et son armée s’était peut-être tout simplement dissolue, après tout. Et sa reconversion pourrait finalement paraître plausible, même aux yeux de cette jeune femme qui décelait bien plus qu’il n’aurait voulu en dévoiler. Militaire… ayant vu tant de corps exsangues rassasier les terres parcourues de cette liqueur rougeoyante, ayant lui-même dérober ces âmes à ces réceptacles mortels, la magie tremblait lascivement sous sa chair, rappelant à son esprit la réalité des elfes de la pénombre et de ces capacités qui suivraient un jour chacun de ses pas, avant de finalement les précéder sous son désir personnel.

Et puis… qu'elle trésaille et s'agite, qu'elle frémisse et qu'elle souffle ses soupçons… tout, du moment qu'il en apprenait plus sur elle, jouant de cette infinie distance affable qui lui permettrait de se glisser presque dans les draps de ces autres qu'il haïssait pour ce rejet qu'il n'avait cessé de côtoyer sous la visite de ces terres.

La situation dans laquelle Alexandra était à cet instant, bien assez déplaisante d’après elle, ne fit pas mine de s’améliorer lorsqu’elle vit l’inconnu pencher légèrement la tête, lui rappelant que l’humidité de sa robe fine accentuant ses courbes y était pour beaucoup. Mais malgré ces circonstances dans lesquelles elle n’aurait jamais dû se retrouver, la princesse gardait une mine impassible, ne laissant nullement deviner ce léger embarras dont elle était sujette. La jeune femme plissa légèrement les yeux à la vue du sourire persifleur de l’homme. Certes, il était bien placé pour une telle moquerie étant donné l’état d’Alexandra qui se révélait quelque peu humiliant. Mais malgré cette situation, elle gardait son air froid, ne perdant pas une once de dignité.

La princesse remarqua vite que son ton froid et sec n’enthousiasmait guère l’homme qui le lui fit remarquer par des paroles subtiles, ce qui ne la fit pourtant pas réagir. L’idée de céder à la voix suave de l’inconnu ne lui effleura même pas l’esprit. Lui, finit par se lever et s’approcher de la jeune femme. Celle-ci regarda sa longue cape de voyage ondoyer au gré du vent, mais son regard s’attarda quelque peu sur le fourreau de son épée. Elle, était désarmée, ce qui lui avait été interdit depuis son plus jeune âge. Le roi de Rugilian avait toujours voulu la voir entourée de gardes et en mettait sans cesse à sa disposition. Mais lorsqu’il vit qu’elle n’acceptait plus qu’on la suive au moindre de ses pas, il lui imposa de porter ne serait-ce que de toujours porter une épée. C’était une demande à laquelle la princesse n’avait presque jamais obéi, car elle avait toujours trouvé les armes bien trop lourdes et ne s’en chargeait que lors des combats. Dans d’autres cas, elle jugeait ses pouvoirs suffisants à la défendre. Mais depuis qu’on lui avait confié l’épée d’Asran, celle qui révélait bel et bien ses véritables origines, qui s’éloignaient tant du royaume de Rugilian, lui rappelant que Nathaniel n'avait jamais été son véritable père, elle ne la quittait plus. La légèreté légendaire, forgée par les elfes il y a bien longtemps était loin d’être la seule chose qui faisait qu’elle aimait cette arme. Mais ce jour-là, étant donné son objectif, Alexandra n’avait pu l’emporter avec elle, même si elle n’avait aucunement eu le désir de s’en séparer.

Alors que l’homme n’était plus qu’à quelques pas de la princesse, celle-ci put enfin apercevoir presque entièrement son visage. Elle scruta ses yeux perçants dont l’un était emprisonné d’une cicatrice qui descendait un peu sur sa joue, et passait au-delà l'oeil. Alexandra fronça les sourcils, expression qui ne fut que légèrement visible. Ce visage lui semblait familier et pourtant, elle ne se souvenait pas d’avoir rencontré cet homme auparavant. Ses traits, tout comme ses paroles trahissaient ses origines nobles malgré son accoutrement de voyageur, mais la princesse ne parvenait pas à se rappeler d’un quelconque moment de sa vie où elle l’aurait aperçu. Alors pourquoi connaissait-elle ce visage ?

-Vous effrayer n’était en aucun cas mon intention. Pourquoi chercherais-je à faire peur à un simple voyageur ? demanda la jeune femme, sans changer de ton. Et même si cela ne se lisait ni dans sa voix ni dans son visage, elle était quelque peu amusée par cette froideur qui émanait d’elle naturellement.

Mais derrière cette simple question insignifiante se cachait une autre, car à cet instant, la seule intention d’Alexandra était de découvrir qui était cet homme car elle le connaissait sans le reconnaître, ce qui était assez frustrant. Et pourtant, les traits de la princesse quant à eux ne furent nullement perturbés par ces interrogations, laissant son visage, à nouveau dénué d’expressions. La jeune femme mit quelques instants à réagir aux dernières paroles de l’inconnu, mais elle finit par prendre la parole à nouveau.

-Le froid n’a jamais été mon ennemi mais je dois avouer que l’état de mes vêtements est… informel et je ne refuserais pas une occasion de me sortir quelque peu de cette situation. Je pense que vous avez-vous-même remarqué qu’elle n’était pas des moins déplaisantes…

Alexandra laissa à nouveau ses yeux faire face à ceux de l’homme qui se dressait face à elle, dont le regard d’une intensité inhabituelle l’interpelait quelque peu.

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Si léger, insignifiant tressaillement de traits délicats, que ce soit, il le remarqua sous une douloureuse attention, celle-là même dont il usait sur les champs de bataille pour analyser une situation, ou bien encore lorsqu’il cherchait à prendre compte des forces qu’il aurait prochainement à affronter. Aussi remarqua-t-il ce si fébrile froncement de sourcils, et tandis qu’il aurait presque pu croire avoir rêvé, ce que d’autres auraient finalement relégué dans un coin sombre de leur âme, Deylan le garda précieusement à l’esprit. Certes, elle pouvait réagir ainsi simplement à la vue de sa cicatrice qui pouvait facilement faire frémir dans un premier temps… le Balafré, il n’avait obtenu ce frauduleux surnom par le plus grand des hasard, il l’était, par la faute de son père, mais qu’importait au fond cette indicible vérité alors qu’il en avait traîtreusement fait sa force, mais il ne voulait rien négliger la concernant.

« Peut-être pour les faire fuir loin de vous, ma Dame. » glissa-t-il une nouvelle fois, retenant au bord de ses lèvres l’opiniâtre vérité, ce rang qu’il lui connaissait et dont il aurait facilement pu l’affubler. Répondant ainsi à ses nouvelles paroles qui ne frémissaient d’aucun amusement, énonçant simplement une réalité et une interrogation facilement justifiée en l’occurrence.

Mais voici que cette délicieuse statue aux ombres opalines retrouvait cette imperturbable maîtrise d’elle-même… le temps de la surprise s’était exilé en des terres oubliées, tellement différentes de celles dont il provenait. Nul volcan, nul éclair, nul grondement, il n’y avait qu’un vide acerbe et frondeur dans lequel les souvenirs flottaient avec dextérité. Et ce fut à cette fourbe seconde que les grands conifères parurent frémir, s’enhardir de la présence de ces étrangers à leurs pieds,le souffle cristallin du vent s’engouffrant dans leur feuillage, mais également dans leurs vêtements, la cape du voyageur tanguant dangereusement, tandis que la robe moulante de la princesse frissonnait tristement, cherchant à s’éloigner de ses courbes sans succès.

Aussi avait-elle raison d’être embarrassée de sa propre situation, chose qui le laissa sourire d’un amusement mérité, chassant cet air affable qu’il avait composé en son nom, pour esquisser un jeu bien différent.

« En effet, aussi ais-je plus de scrupules à vous l’offrir à présent… » souffla-t-il tout en laissant ses lèvres s’étirer plus encore sous l’amusement de la situation qui n’était en vérité déplaisante que pour elle.

Tandis qu’il esquissait quelques pas pour la contourner tout en l’observant, son regard sinua sur ses courbes, mais privilégiant bien plus sa propre situation que la lascivité pourtant saisissante de son être. Alexandra n’était pas repoussante, loin de là, mais ses traits appelaient à des dérives bien plus romanesques et auxquelles il n’était que trop peu sensible à cette seconde précise. Il… travaillait, tout simplement, car en apprendre plus sur elle, c’était également se laisser sombrer dans l’apprentissage de ce royaume qui se dresserait éventuellement un jour nouveau contre eux, le Balafré n’ayant aucunement oublié le siège infortuné qu’il avait accompli au pied de la cité de Mordiaag. D’autant plus que Rugilian était sans doute l’armée la plus grande qu’Erade portait en son sein…

S’immobilisant finalement derrière elle, il retira sa propre cape d'un geste vif, pour la déposer délicatement sur les épaules de cette délicieuse princesse, ses doigts esquissant les épaules de cette dernière sous douceur sournoise et appréciable, trahissant une nouvelle fois la finesse de ses origines. Mais loin de s’interrompre à si peu, il recula d’un simple pas pour s’immoler dans une distance respectueuse, venant se placer une nouvelle fois dans son champ de vision, tandis que ses lèvres conservaient volontairement un petit air amusé.

« Pardonnez mon audace, mais j’ai rarement l’occasion de me retrouver en présence d’une aussi délicate créature, qui plus est dans une situation aussi… portante à confusion. » mais sitôt ces paroles terminées, l’être forgé par les salons et la guerre, s’inclina brièvement pour saluer sa douceâtre visiteuse. « Je me présente, Dae Dornval, simple voyageur à la recherche de merveilles oubliées, et en quête d’une gloire promise par Otian. » glissa-t-il sous un précieux mensonge… mais qu’importait, si elle le reconnaissait, ce ne serait que sous l’appellation de Balafré… en dehors des Terres Oubliées, nul ne connaissait sa véritable identité, et Thanos n’existait plus, n’est-ce pas ? « Et vous-même ma Dame ? » s'inquiéta-t-il ensuite en dardant sur elle ses étranges prunelles, à la recherche d'une vérité qu'il paraissait vouloir également découvrir sous une fielleuse comédie parfaitement crédible.

[Désolé pour la qualité du post, il est vraiment pas terrible T_T je me rattraperais avec le prochain ^^]

« Peut-être pour les faire fuir loi de vous, ma Dame. »

Ces paroles raisonnèrent dans la tête d’Alexandra. Disait-il vrai ? Cette froideur inégalable et si effrayante pour beaucoup, était-elle là seulement pour éloigner toute personne cherchant à s’en rapprocher ? Peut être qu’au fin fond de son esprit, la jeune femme voulait, se retirer de ce monde, se renfermer sur elle-même, pour mener à bien la tâche qui lui a été confiée… Après tout, si elle ne se montrait en aucun cas sentimentale, était-ce peut être parce qu’elle ne voulait pas cette proximité que certaines personnes pouvaient lui gagner en faisant appel à ses émotions … Quoi qu’il en soit, même si c’était, en effet le cas, cela faisait partie d’elle-même, ce froid qui en émanait à présent, sommeillait depuis toujours au fond de son coeur alors qu’à toute heure elle était entourée de chaleur et de flammes dans ce royaume qu’elle détestait tant… Elle avait toujours su qu’elle était différente de ceux qui l’avaient entourée dès son plus jeune âge. Mais aujourd’hui, alors qu’elle savait parfaitement que ses origines s’éloignaient bien trop du royaume de Rugilian, elle savait aussi que sa place était pourtant là-bas. Elle était parfaitement consciente du fait que sa vie n’allait jamais être calme et que ce qu’elle avait découvert ne ferait que l’empirer, la résumant à d’innombrables corps tombant sans vie à chacun de ses pas. Mais si ces âmes innocentes qui étaient sacrifiées contre leur gré pouvaient aboutir à cette paix que tous voulaient, cela en valait la peine, Alexandra en était persuadée. Elle avait choisi de suivre son destin et même s’il impliquait la mort, elle se devait de ne pas abandonner. C’était son devoir, une tâche qui lui avait été confiée et qu’elle ne laisserait jamais tomber, elle savait que s’il le fallait, elle combattrait la mort elle-même pour y parvenir. Alors ce froid glacial, aussi terrifiant soit-il, l’isolant de cette humanité qui l’habitait auparavant, l’aidait à poursuivre sa route sans tomber, sans sombrer dans la pire des folies qui soit.

La princesse ne bougea pas, affichant toujours ce même visage sans âme, sous l’œil attentif de l’homme qui la contournait. Elle ne le regardait pas, fixant un point au loin, laissant ses yeux se perdre dans le vide, concentrant seulement son attention sur le bruit sourd des pas lents de l’inconnu. La jeune femme sentit ses mains se poser sur ses épaules, la recouvrant de sa cape. Elle ne put, toutefois, être indifférente à la douceur de son geste, ce qui, à nouveau trahissait une certaine noblesse qui lui appartenait. Alors qu’il refaisait face à Alexandra, celle-ci s’enveloppa dans sa cape, laissant une chaleur, étrangement, loin d’être désagréable, s’emparer d’elle.

Lorsque l’inconnu se présenta, la princesse haussa un sourcil. S’il n’était qu’un voyageur comme elle en voyait tous les jours, malgré l’intuition de la jeune femme qui lui criait le contraire, son visage ne pouvait lui être familier. Après tout, elle n’avait jamais laissé son esprit s’encrer de simples errants… Les paroles de l’homme, dotées pourtant d’une incroyable persuasion sonnaient si faux aux oreilles d’Alexandra, même si celle-ci n’était que bien trop loin d’affirmer qu’il lui mentait.
La jeune femme finit par incliner légèrement la tête avant de ne répondre.

-Je suis Alexandra, fille du roi Nathaniel de Rugilian, dit-elle simplement, toujours de cette voix impassible, d’une remarquable froideur, qui ne faisait pas mine de vouloir changer.

Et pourtant, malgré la simplicité de sa présentation, la moitié était loin d’être exacte, ce n’était qu’un mensonge derrière lequel elle se cachait, ne laissant pas un seul instant Nathaniel se douter que son véritable père était déjà mort depuis bien longtemps, enterré parmi tous ces autres souverains du royaume d’Airian. Pourquoi ne décida-t-elle pas de retourner dans ses terres natales et y mener une vie paisible auprès de ses véritables frères, les princes d’Airian, lorsqu’elle découvrit cette vérité ? Simplement parce qu’avec ce mensonge si lourd à porter, lui avait été attribuée une tâche qu’elle ne pouvait abandonner. Car si ses origines remontaient si loin, dans le royaume de l’Air, elle se devait de rester à Rugilian car elle seule allait pouvoir rétablir cette paix que tous souhaitaient lorsqu’enfin serait venue pour elle l’heure de gouverner.

Détournant son attention de ses songes, Alexandra regarda l’homme qui s’était présenté sous le prénom de Dae et fixa pendant un instant son visage, mis à découvert. A nouveau cette sensation de déjà vu s’empara d’elle alors qu’elle creusait au plus profond de son esprit à la recherche de la vérité, tant ce nom lui était inconnu.

-Pardonnez ma curiosité, mais en tant que voyageur explorant des terres inconnues, vous êtes-vous déjà retrouvé sur celles du royaume de Rugilian ? demanda-t-elle, cherchant à trouver réponse à ces questions qui venaient à présent tourmenter son esprit.