Rheda vérifia ses affaires une énième fois. Il avait son épée dans un fourreau de cuir noir, accroché à sa taille, sa dague nouée autour de sa jambe, une petite giberne et une gourde contenant quelques provisions ainsi que le pendentif de sa mère soigneusement déposé autour de son cou. Il prit ce dernier au creux de sa main et le serra quelques secondes sans laisser paraître la moindre marque d’émotion sur son visage, simplement un vague sourire. Narielle le regardait tristement, dans un silence respectueux.

- Allons-y, finit-il par déclarer après quelques instants.

Il réajusta son épée sur le côté, se frotta rapidement les cheveux et se mit en marche.

- *Où allons-nous ?* demanda l’hirondelle en se posant sur son épaule.*Il serait temps que tu me le dises !*
- On promène…

Le petit oiseau s’envola aussitôt et tournoya autour de Rheda pour montrer son mécontentement.

- *On marche depuis trois jours… pour promener ! J’espère que c’est une blague !* s’enquit-elle.

Le jeune homme éclata rire et répondit en haussant les épaules :

- Pas du tout, j’ai envie de voir les sources chaudes de Rugilian.

Narielle s’apprêta à répliquer mais se contenta de se réinstaller sur l’épaule de Rheda, après tout s’il souhaitait se fatiguer pour rien, c’était son problème.

Ils marchèrent ainsi durant quelques heures, le malarian n’avait ni les moyens, ni le désir de s’approprier une monture. Toutefois, le paysage de Rugilian était bien différent des terres qu’il avait l’habitude de fréquenter. Le climat aride et sec l’exténuait, jamais il n’avait autant regretté la fraicheur qui se dégageait du sol Airian. Malgré les quelques denses forêts qu’il eut l’occasion de croiser, il considérait le royaume de Rugilian comme étant un vrai desert. Il n’aimait pas cette chaleur suffocante et de nombreuses fois, il fut tenté d’utiliser ses pouvoirs afin d’invoquer une brise rafraîchissante. Malheureusement pour lui, Narielle était opposée à cette idée :

- *Tu ne maîtrises pas assez ta magie pour te le permettre !*lui avait-elle dit.

Après un long soupir qui fit sourire l’hirondelle, il but une nouvelle gorgée d’eau et constata avec effroi qu’il venait de vider ses dernières réserves d’eau.

- Regarde si tu ne vois pas une rivière ou même un ruisseau de là haut, demanda-t-il à son amie en désignant le ciel d’un signe de la tête.

Narielle s’envola. Elle disparut un instant derrière un nuage avant de se rapprocher, assez près pour pouvoir utiliser son don de télépathie.

- *Non, je ne vois rien.*

Cette déclaration soutira un nouveau soupire au jeune malarian qui s’assit sur le sol, en tailleur. L’hirondelle vint se poser devant lui et remarqua l’air absorbé et concentré qu’il affichait. Il fronça les sourcils avant de se transformer. Cela ne dura que quelques secondes, son image se dilata pour laisser la place à un majestueux aigle noir.

- *Qu’est-ce que tu fais ? Tu sais très bien que l’utilisation de ta forme animale a de terribles conséquences sur ton corps !

Pour seule réponse, Rheda prit son envol. En quelques battements d’ailes, il fut assez haut dans le ciel pour pouvoir confirmer ce qu’avançait Narielle. Il n’y avait aucun point d’eau visible. Il attendit que son amie le rejoigne pour reprendre la direction présumée des sources, celle indiquée par sa carte.

Les paroles de Narielle s’avérèrent comme bien souvent être justes. Sa forme animale l’exténuait, malgré l’altitude, l’air était étouffant, une chaleur oppressante les dévoraient. Sa vision se brouillait de temps en temps. Il fixait les nuages qui filaient au loin, faisant abstraction du reste pour contrôler au mieux ses instincts et son corps. Soudain, Narielle le héla :

- *Rhedan ! Regarde en bas !*

Elle le tira de sa léthargie. Il baissa la tête, il y avait un mince ruisseau. L’eau passait à proximité d’une cité et le jeune homme se demanda si ce qu’il voyait était bien réel. Il crut à un mirage jusqu’à ce qu’il aperçut un cheval près de l’eau ainsi qu’une personne allongée dans l’herbe. Il commença à descendre lorsque ses yeux s’embrumèrent. Des vertiges s’emparèrent de lui, accompagnés d’un terrible mal de tête. Il descendait de manière abrupte, battant quelquefois des ailes pour tenter désespérément de contrôler sa chute. Alors qu’il se trouvait à une dizaine de mètre du sol, sa transformation prit fin, lui rendant son corps d’homme. Il chuta lourdement, s’écroulant dans le ruisseau. Sa chute fut accompagnée d’un grand éclaboussement qui trempa Narielle qui tentait de le suivre depuis l’amorce de la descente.

- *Rheda !* gronda-t-elle. *Est-ce que ça va ?* demanda-t-elle en réalisant l’absurdité de sa question.

Celui-ci sortit la tête de l’eau. Cette chute avait au moins eut l’effet de le réveiller totalement et de lui faire recouvrer ses esprits. Néanmoins l’air qu’il arborait était tout sauf radieux. Il nagea grossièrement jusqu’à la rive, handicapé par ses vêtements et ses armes. Il sortit de l’eau en rampa, grommelant quelques paroles de mécontentement. Il retira sa giberne et sa gourde. Il ôta sa dague et pesta quelques nouvelles paroles injurieuses. Il essuya hâtivement la lame et pria pour qu’elle ne soit pas abimée par son voyage au fond du ruisseau. Il regarda l’état de son épée, l’eau n’avait pas filtré au travers du fourreau, c’était au moins ça de gagner ! Il déposa son épée par terre et porta sa main à son cou, par réflexe. Quand il réalisa qu’il n’y avait rien, il se retourna et plongea au fond de l’eau à contrecœur. Il chercha quelques instants avant de trouver son bien et remonta à la surface, son pendentif à la main. Il sortit une nouvelle fois de l’eau, proliférant une nouvelle fois quelques railleries et s’effondra sur le sol. Sa main caressa la terre. Il y avait de l’herbe. Cette découverte le fit sourire, l’herbe lui rappelait son pays natal. Il se releva doucement. Il y avait une personne près du ruisseau se rappela-t-il. Il s’en approcha, c’était une jeune femme apparemment. Elle semblait assoupie. Il espérait ne pas l’avoir réveillée ou éclaboussée avec sa chute lamentable.

Morphée la berçait lentement, avec candeur et délicatesse. Luna s'était assoupie, d'un sommeil très léger, nous l'admettrons. Des pensées s'emparait de son esprit, la ramenant ainsi dans le royaume de l'Airian, elle pensait à sa maison, un bien hérité de sa défunte mère, un endroit noyé par les souvenirs de sa vie de famille qui dura à peine une journée... Elle pouvait apercevoir le visage de sa mère, une dernière fois, dans les limbes de son esprit endormi. Elle avait même des pensées pour les deux frères qu'elle avait malgré tout, pour son « père » également, bien que se dernier n'apparaissait que quelques instants à la jeune demoiselle. Lorsqu'elle eut à nouveaux des images concernant la journée qu'elle avait passé avec lui, il y a maintenant plus de dix années en arrière, des larmes se mirent à couler sur ses joues, sans même qu'elle ne puisse les sentir évidemment.

Les terres de Rugilian étaient arides, Luna l'avait bien senti à peine entré dans se royaume. Way avait du subir la fatigue plus rapidement que prévu, et Luna avait épuisé ses réserves d'eau bien rapidement, n'étant hélas nullement habitué à la chaleur aussi suffocante. C'est pourquoi elle s'était posé à un petit ruisseau qui coulait autour d'une cité, qu'elle avait décidé de ne pas approché. Certains peuples sont complètement fermés au monde extérieur, et le fait était que les conditions de vie dans se royaume l'amenait à croire fortement que c'était précisément un peuple comme cela qui vivait dans cette petite ville.
Ses éventails posés sur son torse, Luna dormait toujours paisiblement en gardant néanmoins une part « d'éveil », un peu à la même façon que les félidés, dont elle avait sans doute hérité la capacité. Tandis que l'heure défilait, le soleil commençait à décliner, indiquant son départ long vers sa tanière. La chaleur n'allait sans doute pas tarder à s'apaiser quelques peu...
Mais soudain, une bonne quantité d'eau vint arroser la jeune femme, la rafraichissant sans doute par la même occasion. Mais cela ne la sorti point de son sommeil. Cependant, Way, qui était paisiblement debout à ses côtés, broutant par-ci par-là de l'herbe, Poussa un hennissement des plus effrayé en apercevant le jeune homme auteur de tout se grabuge. Luna ouvrit alors les yeux et se releva rapidement, empoignant ses éventails et attrapa le harnais de Way afin de le calmer de sa peur.
Lorsqu'elle regarda vers la fine rivière près de laquelle elle s'était assoupie, elle vit un jeune homme la regarder. Il était trempé, et venait sans doute d'être la victime d'une chute importante, puisque Luna remarqua qu'il avait quelques légères contusion sur le visage, ce qui permit sans doute de savoir que l'eau n'était pas d'une profondeur exceptionnel. Repliant ses armes et les rabattant dans leurs fourreaux, qui était situé dans le dos de la jeune Elemental, Elle s'inclina poliment et s'exprima dans un ton des plus bref.


Elle fixa alors quelques instants le jeune homme, mais détourna bien vite son regard vers Way, qui semblait à présent calmé. Elle pointa du doigt le ruisseau, tout en sifflant deux trois fois, afin de lui indiquer qu'il aille e désaltérer, ainsi cela le relaxerait au mieux.

Rheda se frotta les yeux, repoussant par la même occasion une mèche qui, trempée, s’était déposée devant son œil droit. Il regarda la personne qu’il avait aperçut depuis le ciel. C’était une jeune femme, et ses vêtements étaient mouillés, par sa faute. A cette pensée, son visage s’empourpra, ses joues prirent un teint rosé.

- Je… je suis désolé, vraiment désolé, déclara-t-il en s’inclinant à son tour.

Il s’abaissa le plus bas que son dos lui permettait, souhaitant ainsi prouver qu’il regrettait son geste. Cela fit rire l’hirondelle dont l’attitude du jeune homme face aux membres de la gente féminine amusait fortement. Lorsque l’inconnue se détourna vers son cheval, Rheda en profita pour récupérer ses affaires. Il remit le pendentif qu’il tenait toujours fermement dans au creux de sa main autour de son cou et récupéra sa précieuse dague ainsi que son épée. Par habitude, il porta sa main sur le pommeau de son arme afin de l’ajuster autour de sa ceinture. Après avoir enfin passé sa giberne sur son épaule, il s’approcha de la jeune femme.

- Vous avez vu juste. J’ai été victime d’une chute, je suis navré que vous en ayez subit les conséquences vous aussi…

Il s’apprêtait à s’expliquer, levant la tête vers le ciel. Il ne pouvait pas dire qu’il venait de chuter de plusieurs dizaines de mètres. C’était insensé et il n’aimait pas s’étendre sur ses pouvoirs, particulièrement sur son don de transformation. Il se gardait d’en parler avec les inconnus. Le pouvoir de se changer en aigle était rare, il en était conscient. Cela imposait la prudence. Il bafouilla:

- Je… je me nomme Rheda.

Il espérait qu’ainsi son interlocutrice ne s’attarde pas sur les raisons de sa chute. Narielle vint se poser sur l’épaule du jeune malarian.

- Et je vous présente…
- *Narielle*, l’interrompit-elle, s’adressant directement à la jeune femme.

Rheda sourit et s’assit sur le sol. Malgré tout, l’air se rafraîchissait. Il passa sa main dans l’herbe, ce geste lui rappelant son pays natal. Ce souvenir déclencha involontairement les pouvoirs du malarian et l’herbe fut bercée par un doux zéphyr. Les fins brins d’herbe furent balayés par le vent qui se dégageait de la main de Rheda. Celui-ci grommela. Il ne souhaitait pas qu’un habitant de Rugilian sache qu’il venait d’Airian. Il avait appris à dissimuler ses origines et cela lui avait bien servi auparavant. Il serra les dents, incapable de maîtriser sa magie. Il se contenta de cacher sa main dans son dos, généralement lorsque ses pouvoirs se déclenchaient à l’improviste, cela ne durait jamais bien longtemps. Il adressa à la jeune femme un grand sourire innocent, mêlé à son embarras le visage qu’il arborait paraissait sans aucun doute tendu.

Rheda observa l’inconnue. La fatigue de sa monture et son engouement à s’hydrater lui laissait supposer deux choses : elle avait fait un long trajet et n’était certainement pas habituée elle non plus à cette chaleur. Tout comme lui, elle ne s’encombrait pas de surplus. Aussi, il se permit une question :

- Vous êtes en voyage ?

Narielle s’envola, décrivant de grandes courbes dans le ciel.

- *Ca ne te regarde pas* murmura-t-elle au malarian par la pensée, amusée d’avance de la réaction du jeune homme.

Celui-ci baissa lamentablement la tête, ses joues reprirent une teinte écarlate.

- Si cela n’est pas indiscret… s’empressa-t-il de rajouter.

« Je… je suis désolé, vraiment désolé »
« Je… je me nomme Rheda. »

Luna, après avoir calmer son compagnon à quatre pattes, regarda de nouveau le jeune homme qu'elle venait de rencontrer, qui s'était finalement présenter sous le nom de Rheda. En le regardant elle remarqua aussi qu'il était simplement équipé, donc sans doute n'était pas en voyage, enfin du moins, Luna pensa cela. Elle savait que les gens ne voyageait généralement pas sans affaire, et ainsi elle se considérait comme la seule délurée a partir à l'aventure sans aucun sous ni bagages. Une voix dans son esprit interrompit ses pensées toujours au simpliste. Une voix féminine qui avait suivi une parole du jeune Rheda, qu'elle avait rapidement entendu, ainsi donc la petite créature qui l'accompagnait s'appelait Narielle.

Comme une habitude millénaire, elle s'inclina alors légérement, en guise de salut, les connaissant maintenant par leurs noms. Lorsque Luna se redressa ensuite, elle posa une main dans son dos, sur les fourreaux qui abritait ses armes, puis, la petite inspiration qui précéda ses paroles laissait apparaitre qu'elle avait quelques peu chaud, mais la question que lui posa Rheda la remit bien vite en avant.

« Vous êtes en voyage ? »
« Si cela n’est pas indiscret… »

Un petit sourire, qui ne dégageait hélas aucun sentiment, s'afficha sur le visage habituellement pâle de la jeune elemental. Elle ressentit alors une brûlure assez vive sur sa joue, et d'instinct elle posa sa main sur le tatouage qui ornait sa joue gauche. Elle lâcha un long soupir, gardant sa main posa doucement sur cette joue qui lui faisait mal. Et en se tournant vers la direction dans laquelle elle souhaitait aller, de sa main droite elle désigna l'horizon, qui ondulait à sa vue, marquant la chaleur qu'il faisait dans se pays.

« Eh bien je suis enchantée, Je m'appelle Luna, Luna Amane. Et oui, je suis en quelques sorte en voyage. »

Tandis qu'elle rabaissait sa main, sentant la brulure s'apaisait, Luna se dirigea vers le petit ruisseau et y trempa sa main gauche avant de passer un peu d'eau sur cette joue douloureuse. Puis elle revint près du jeune homme et, sans aucune pudeur, elle s'adressa à lui :



Elle se tourna alors vers Way, son cheval, et tandis qu'elle monta dessus, elle regarda alors Rheda tout en indiquant la place qui se trouvait derrière elle. Elle savait que sa demande était crue, alors qu'ils ne se connaissaient pas, mais elle savait également que la chaleur aurait raison de tout être qui décideraient de traverser se désert à pieds.