Sur la route |PV Alexandra de Rugilian|

Vagabonde, sage, nonchalante. Une femme s'engouffrait lentement sur les routes qui menaient au bien controversé royaume de Rugulian. Qui ne savait pas que ses dirigeants étaient des êtres sans scrupules? Qui ne savaient pas que le feu et la colère ravageait ses terres? Lorsque l'on passait la frontière, on pouvait aisément ressentir l'atmosphère de guerre qui se préparait, que la paix était fébrile, que la noirceur grandissait. Mais la démone maudite ne se promenait pas ici pour une raison précise, si ce n'était que le destin lui invoqua de venir ici, que peut-être elle pourrait y faire des rencontres intéressantes qui pourraient changer sa vision des choses, des rencontres qui pourraient peut-être balayer ses aprioris? Ou peut-être pas... Cela pourrait aisément avoir l'effet inverse et lui montrer O combien le monde était pourri, que la haine était dans ses veines et que l'on ne pourrait alors ne se satisfaire que de sa condition.

Il y avait quelques jours plus tôt, Jézabel avait loué un cheval, un splendide canasson blanc, aux jambes fuselées et musclées, un superbe coursier dont le vendeur avait fait louange de son endurance. C'était une jument du nom de "Perle", légèrement tachetée d'une couleur cendrée sur sa croupe. Même son crin avait des airs argentés. Néanmoins, les yeux de l'animal étaient sombre, aussi noire que l'aura de sa cavalière sans doute. Et le mimétisme entre le maître et l'animal était assez amusant si on devait les comparer. Peut-être était-ce cette ressemblance qui avait fait que la démone eut choisi ce cheval plutôt qu'un autre.

Mais qu'importait, cela faisait quelques temps que la demoiselle chevauchait et elle entra alors dans le fameux passage qui menait directement au territoire du feue t du sang comme elle se plaisait à le comparer. Il fallait posséder une grande détermination ou une grande magie pour ne pas se faire avaler sur ce territoire... et comme Jézabel n'avait pas froid aux yeux, et rien ne lui semblait important, si ce n'était vivre pour comprendre, vivre pour découvrir ce qui méritait d'être sauvé...

La jeune femme se déplaçait maintenant au trot, calmement, le visage camouflé sous une capuche comme à son habitude. Elle faisait son possible pour ne pas attirer l'attention, ainsi que le mépris que l'on avait pour les gens de sa race. Si elle vous avouait, " je suis une démone ", quel serait votre réflexe principal? Fuir? Essayer de la tuer? La détester naturellement sans savoir quel était sa personnalité, car c'était écrit, un démon était forcément machiavélique? Il fallait avoir une très grande ouverture d'esprit pour ne pas se montrer méfiant, ou être inconscient. Jézabel n'avait jamais su si elle devait suivre sa nature profonde et détester le monde, ou si elle devait se montrer indulgente et avoir pitié de leur ignorance.

Brusquement, Perle s'emballa et rua violemment. Il en fallut de bien peu pour que le cabre de la créature entraîna la chute de Jézabel. Ayant de bon réflexe, la jeune femme s'était bien cramponnée. Ce qu'il s'était passé? Des flèches venaient de se voir fichées dans le sol, effrayant le cheval que la démone calma immédiatement. Mais alors que des rires cyniques se faisaient d'entendre, muette, Jézabel descendit de sa scelle.

Ce fut alors qu'un homme se présenta, robuste, à l'air malsain, le teint basané aux sourcils brûlés. Ses cheveux étaient en bataille et roussis, ses veines saillantes sur son front, ainsi que sur ces bras. Il sentait la transpiration à des kilomètres et on pouvait aisément deviner que l'individu devait mener des embuscades pour les voyageurs imprudents dans ce passage. Néanmoins, la démone était très calme. Pourquoi en serait-elle autrement après tout? Parce que son adversaire brandissait soudainement une masse immense et lourde? Son agresseur venait tout juste de ranger son arc et des cordes barraient la route, cordes tirées grâce à son arme quelques minutes plus tôt, chose qui avait effrayé Perle.

Là, mystérieusement, Jézabel tapota la croupe de sa compagne à quatre pattes, qui s'enfuit aussitôt. Comme si le destin s'amusait à vouloir voir se jouer une pièce théâtrale, le vent souffla un peu plus fort, balayant alors la capuche qui recouvrait la jeune femme. Ses cheveux dansèrent alors soudainement, ondulant sous la brise dans une valse argenté, Son regard félin brillait comme deux astres, d'un jaune ambré, délicat et enflammé, et on ne pouvait nullement lire de la peur, seulement une cruelle indifférence envers celui qui se dressait devant elle. Il voulait donc jouer à cela? Et bien soit... mais il ne la dépouillerait pas.

" Vous voulez donc me combattre? Quelle erreur de votre part de faire face à l'inconnu.... votre ignorance et votre impulsivité vous couteront chers. "

Mais alors que l'individu s'esclaffa de rire, se pavanant comme quoi il était un voleur réputé et invaincu, il menaça la démone de la pourfendre après avoir "joué" avec elle. Que de folie que de penser qu'il pourrait ainsi avoir une certaine forme de supériorité sur elle.

Ce fut alors qu'il se jeta dans la direction de la jeune femme, la masse levée et menaçante. Jézabel ne semblait pas sourciller d'un pouce, calme et sure d'elle. Quand brusquement, l'homme musclé se stoppa. Aussi soudainement qu'il avait sauté sur la démone. Là, au bout de son bras tendu, un fouet venait de se saisir du poignet de l'individu, le serrant fortement jusqu'à lui couper la circulation, le forçant à lâcher prise sur sa masse. Il cracha sur le sol, la maudit et ne comptait certainement pas s'arrêter là... mais alors qu'il pensait qu'il la surprendrait en tirant sur le lasso de son fouet, afin d'attirer la jeune femme vers lui, il ne parvint à rien. Non, elle ne bougea pas d'un millimètre, immobile comme une statue de marbre, paisible, le visage impassible.

Le prix de son impulsivité... Les démons possédaient naturellement une forte constitution, une force peu qualifiable qui allait de pair avec leur rapidité. C'était peut-être pour cela que l'on détestait les démons? Se mettant de plus en plus en colère, l'individu chercha subitement à attaquer de nouveau Jézabel. Mais étant donné qu'elle se déplaçait plus rapidement, en un rien de temps, elle se trouva derrière lui, mais son fouet était enlacé autour de son cou, rapatriant par la même occasion son bras dans son dos. Elle serrait, elle serrait jusqu'à ce qu'elle entende vaguement déglutir dans la mesure du possible son adversaire, l'étranglant lentement mais surement.

" Je vous avais donné le choix, et par deux fois vous m'avez impunément attaquer... vous avez vous-même scellé votre destin... pauvre fou. "

Mais alors qu'elle termina ses mots, soudainement, le fouet s'embrasa, immolant alors le visage du pitoyable voleur. Pendant quelques instants, il cria, puis le silence retomba. Son corps s'effondra lentement sur ses genoux, puis sur le sol, le visage noir, brûlé, face contre terre. Tranquillement, Jézabel ramena son fouet qui ne brûlait plus, maîtresse encore jeune du feu, elle pouvait quelque fois l'utiliser ainsi, bien qui lui restait encore beaucoup à faire dans le domaine.

Une nouvelle fois, le vent se souleva mais cette fois-ci, mêler à l'odeur fleuri du parfum de la démone, celui de la chair brûlée vint titiller ses délicates narines. Là, comme si de rien était, elle reprit simplement sa route, passant entre les deux cordes tirées en croix qui barraient la route... Perle avait dû faire un détour, elle la rejoindrait un peu plus loin. Maintenant, il ne restait à Jézabel plus qu'à espérer qu'elle ne fasse pas une nouvelle fois de mauvaises rencontres, et que son cheval aille tout aussi bien qu'elle.... après tout, Perle avait été loué, elle n'avait pas envie de payer pour un cheval mort...

Le soleil venait à peine de se lever. Projetant de magnifiques rayons dorés sur la terre et faisant rougeoyer le ciel, l’étoile brillait de ses mille feux. Aucun nuage ne se manifestait pour cacher le magnifique spectacle. Des petites gouttelettes coulaient sur diverses plantes, la rosée du matin. Beaucoup dormaient encore alors que d’autres se mettaient déjà au travail. En s’approchant un peu du sol, on pouvait apercevoir des fourmilières dont les habitantes étaient prises par leur besogne quotidienne. Un écureuil grimpait déjà dans un arbre pour y trouver son petit-déjeuner. Un arbre dans lequel se logeaient quelques petits trous marqués du bec d’un magnifique pic vert. On entendait le chant matinal de quelques magnifiques oiseaux. Peu à peu, tout le monde se levait. Bref, le meilleur endroit pour se réveiller…

Mais éloignons nous de ce petit paradis pour s’approcher de terres lointaines ne ressemblant guère à cette belle image que l’on pourrait trouver dans un tableau. Des terres sombres où se prolonge depuis longtemps le règne interminable d’une atmosphère lugubre et effrayante. Là où rares sont les fois où l’on peut apercevoir ne serait-ce qu’un petit rayon de soleil égaré. Mais même les jours où cette lumière vient s’y aventurer, elle est rapidement chassée par les nuages gris d’une couleur telle la cendre… Des terres où le rouge est dominant, non pas celui d’un lever de soleil, mais celui du feu et du sang. Bien sûr, une telle image du royaume de Rugilian peut être un peu exagérée, mais elle se rapproche surtout de la mentalité du peuple. Un peuple pauvre, affamé et terrorisé. Beaucoup veulent quitter ce monde des ténèbres, mais peuvent-ils espérer se faire accepter dans un autre lieu que celui-ci avec une âme aussi souillée ? C’est une question qui leur vient même rarement à l’esprit. Ils se contentent de vivre. Vivre dans la peur et dans la famine, n’espérant plus depuis longtemps ne serait-ce qu’un soutien, un réconfort. Et pourtant, ces gens ont-ils jamais fait quelque chose pour mériter un tel destin ? Oui, ils ont eu le malheur de naître dans le royaume. Un royaume dirigé par un tyran assoiffé de pouvoir. Un dictateur égoïste depuis longtemps tenté par le Mal, n’essayant même pas d’y résister… Le roi de Rugilian. Mais comme on dit, tel père, tel fils. Donc, bien évidemment, cette tyrannie ne peut être que renforcée par un prince qui, même s’il n’est pas aussi mauvais que son père, n’a pas beaucoup de mal à l’égaler…

Et oui, Rugilian est depuis bien longtemps un royaume des plus sombres… Où il ne reste qu’un seul rayon de lumière, une seule lueur d’espoir pour le peuple. Une personne dont l’âme est encore pure, malgré les influences de sa famille. Une personne qui n’a jamais laissé le mal l’approcher, le combattant du plus profond de son cœur. Une personne qui a toujours cherché à remédier à la situation du royaume qui ne se différenciait que peu de l’enfer. La princesse Alexandra. En effet, contrairement à ce qui restait de sa famille, elle était quelqu’un de doux et d’aimable, essayant toujours d’aider les autres. La seule personne qui avait pu lui ressembler avait été sa mère. Une reine presque exemplaire, qui finit, malheureusement par mourir, ce qui ne fit que renforcer les convictions de son mari…

La princesse avançait lentement dans les rues désertes de la cité de Mordiaarg de sa démarche gracieuse. Elle était vêtue d’une longue robe d’un vert émeraude, rappelant la couleur de ses yeux scintillants. Ses longs cheveux noirs se dessinaient en quelques boucles larges, se posant sur son dos. Pensive, elle ne remarqua même pas la présence d’une vielle femme, sûrement vagabonde assise par terre, recroquevillée dans un coin. Elle était entourée d’une longue cape noire et sale, passant au dessus de sa tête et cachant son visage. Au passage d’Alexandra, elle se releva légèrement et la prit brusquement par le bras ce qui fit sursauter la jeune femme. Le capuchon de la vagabonde tomba, laissant voir son visage ridé ainsi que des yeux entièrement blancs.

-La mort vous guette… Il ne peut pas vous tuer, mais le mal dans lequel il est en train de sombrer finira par le faire changer d’avis… dit-elle d’une voix étouffée.

Le cœur d’Alexandra se mit à battre de plus en plus fort. Elle sentit la peur monter en elle. Elle n’eut même pas le temps de répondre que la vieille femme s’éloignait déjà sans dire un seul mot, finissant par tourner dans une autre rue, disparaissant de la vue de la princesse. Cette dernière tremblait encore, repensant à ce que la vagabonde lui avait dit. De qui elle parlait ? Du prince de Rugilian ? Alexandra se sentit trembler encore plus. Elle resta figée pendant un moment, mais finit par reprendre sa route, se calmant un peu. Après tout, tout ça ne voulait peut être rien dire. La princesse ne connaissait même cette femme alors pourquoi devait elle croire de telles choses… C’était pourtant si absurde…

Environ un quart d’heure plus tard, Alexandra était déjà arrivée devant le passage qui permettait d’entrer dans le royaume de Rugilian. L’endroit était vide. La princesse jeta un coup d’œil par terre quand elle vit soudainement le corps d’un homme étalé par terre. Sa mort avait sûrement du recouvrir ses pêchés… La jeune femme poussa un soupir, puis s’accroupit en posant sa main sur le front de l’individu. Aussitôt, des cendres l’enveloppèrent et son corps disparut.

*Le royaume est déjà assez terrifiant comme ça, il ne vaut mieux pas laisser un mort devant l’entrée…* se dit-elle en faisant demi-tour pour reprendre sa route.

La jeune femme continuait sa démarche jusqu’à voir une autre femme, sur un cheval un peu plus loin. Alexandra cligna des yeux pour qu’une minuscule tornade vienne l’entourer, la faisant disparaître et réapparaître devant l’étrangère. Cela faisait depuis un moment que la princesse arrivait à bien maîtriser son nouveau pouvoir, le contrôle de l’Air. Un pouvoir qui était assez étonnant pour quelqu’un vivant sur les terres de Rugilian…

-Je vois que vous avez déjà marqué votre passage en entrant dans ce royaume. J'avoue qu'un meurtre n’est pas le meilleur moyen pour ce faire, mais je pense que vous ne partagez pas mon avis… En tout cas, je ne vous conseille guère de vous attarder ici, c’est un endroit dangereux et il risque de vous y arriver malheur…

Le visage impassible, Alexandra regarda l’étrangère. Elle sentit de suite l’aura de démon, mais étant donné qu’elle n’avait pas de préjugés, elle attendait de voir la réaction de la jeune femme avant de faire quoi que ce soit.
Bien évidemment, la démone ne pouvait pas savoir qu’une princesse se tenait devant elle, car celle-ci ne s’était pas encore dévoilée auprès des autres royaumes, attendant la circonférence pour se faire. Même quelques habitants des terres de Rugilian ne connaissaient pas encore le visage de la fille du roi, alors il n’y avait aucune chance pour que l’étrangère comprenne de suite qui était la jeune femme qui se tenait devant elle…

Jézabel s'était écartée depuis peu de l'entrée même du passage, lieu où elle venait quelques minutes plus tôt de faire sauvagement attaquer par un malotru mal odorant. Ce fut dans un calme déconcertant qu'elle l'avait mise à mort, bien que ce n'était que purement défensif. Elle n'avait pas joui le moins du monde du mal qu'elle lui avait fait, et pour la première fois, elle ne culpabilisait pas non plus d'avoir tuer. Parce qu'elle savait que c'était une âme déjà empoissonnée par le mal et ma damnation? Peut-être... cependant elle ne se fera pas juge ni bourreau pour ses hommes, elle ne tenait pas vraiment à ce rôle. Se défendre, elle n'avait fait que se défendre, nul culpabilité ne devrait l'assaillir pour cela.

Mais alors que la jeune femme commençait à se perdre dans ses pensées, le hennissement de Perle la réveilla. Son cheval blanc grisonnant arriva alors à toute allure, comme elle lui avait demandé, bien que le terme ne convenait peut-être pas pour un équidé. Néanmoins, la démone avait toujours eu une relation particulière avec les animaux, un lien qu'elle ne s'expliquait pas. Peut-être parce que sa nature démoniaque était plus animale qu'humaine? Possible et cela lui importait peu de toute façon. Son désir n'était pas encore là, à comprendre le pourquoi de sa nature de démon, mais le pourquoi de sa malédiction et le prix des remords qui l'incombait.

Gracieusement, elle grimpa rapidement sur la scelle de sa camarade quadrupède, lui caressant alors le cou délicatement, presque avec tendresse, ou quelque chose qui s'en approchait. Jézabel s'ajusta alors en bonne cavalière, rejetant sa chevelure argentée en arrière, quand soudainement elle eut une impression d'être épiée, et même Perle sentit une présence. Alors que la démone se retourna, elle crut voir un vent curieux naître... puis disparaître. Mais quand elle détourna son attention devant elle, afin de reprendre la route, son cheval recula de surprise. Il y avait une jeune femme devant eux, sortie de nul part.

Là, une réaction normale aurait poussé Jézabel à sortir l'une de se armes, mais elle n'en fit rien, comme si elle savait qu'il n'y avait aucun danger. D'autant plus que Perle ne prit pas la fuite et ne se cabra pas comme pour l'agresseur de tout à l'heure. Pourtant, la démone ne souhaitait pas se laisser avoir par les apparences tendres de l'inconnue qui s'était dessinée sous ses yeux, dans sa somptueuse robe émeraude. Néanmoins, elle resta calme et ses yeux dorés balayèrent lentement la silhouette de la jeune fille, sereinement et sans un mot.

Le conseil que prononça alors subitement la jeune femme dont elle ne connaissait rien lui parurent assez désagréable, et presque accusateur, comme si elle cherchait à lui faire comprendre qu'elle venait de faire une bêtise. A ce même titre, Jézabel préféra mettre les choses au clair, sans agressivité. Cependant, sa voix sombre et monotone, tout comme son visage placide ne laissait rien présager de bon. Pourtant, il n'y avait aucune forme de vulgarité, aucune forme de véhémence à l'encontre de l'inconnue. Non, Jézabel resta maîtresse d'elle-même.

" Personnellement, je pense que vous pensez bien trop vite D'autant plus que vous laissez vos mauvaises impressions prendre le dessus sur la vérité. Pensez-vous que je paraisse être une femme s'entraînant inconsciemment dans une voie inconnue, sans connaître le pays dans lequel je me promène? Bien qu'il soit vrai que je ne suis pas de Rugilian... "

Là, un petit vent léger vint souffler dans la chevelure de Jézabel, et sereinement, la démone vint caresser le col de son cheval, ne quittant pourtant pas des yeux l'inconnue, elle reprit calmement.

" L'individu qui git quelques mètres plus loin est un voleur qui m'a attaqué par deux fois, alors que je lui avais permis de rebrousser chemin. Il ne m'a pas écouté, il a payé le prix. Je ne suis défendue et je n'ai pas besoin de l'être par qui que se soit. Quant au malheur, sachez mademoiselle, qu'il s'abat sur moi depuis déjà bien longtemps.... "

Jézabel se tut après ses propos, ne cherchant pas à exploiter d'avantage la suite de ses malheurs. Elle n'avait aucune raison de le raconter, et ne le ferait sans doute pas à une inconnue. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir quelques suspicions à l'égard de la fille en vert, quelque chose attira sa méfiance. Il lui paraissait surtout curieux qu'une jeune fille aussi élégante apparaisse ainsi devant une démone, après être passé devant un cadavre et, ainsi, rester aussi calme. Cela cachait bien évidemment quelque chose de louche, ou bien Jézabel était seulement paranoïaque. Quoi de plus étonnant pour celle qui s'appelait Shemhazai, le nom maudit, marque de la rébellion de son père, de sa faute infâme. Le malheur dans le sang... partager dans le sang...

Puis voilà que mystérieusement, la démone reprit la parole, faisait preuve de sagesse et se montra curieusement de "bon" conseil si l'on pouvait dire les choses. Cela mettait simplement en évidence son sens de l'observation, et aussi de sa pertinence.

" Si à mon tour je puis vous apporter un conseil, voilà ce qu'il en serait. Si danger il y avait pour une personne, sans nul doute qu'il pèserait sur vous, plus que sur moi. Vous mettez trop en évidence votre richesse par vos tenues, cela attire l'oeil, même caché sous une cape sombre. Entre une cavalière démone, et une femme de votre type.... d'après vous, les brigands pencheraient leur besoin avide d'avarice vers laquelle d'entre nous? "

Là, Jézabel détourna ses yeux de la jeune fille pour observer le lointain, la ville n'était pas si éloignée que cela, elle pourrait trouver abri et nourriture une fois là bas, bien qu'elle manquait un peu de ressources, elle trouverait facilement de quoi faire.

Alexandra poussa un soupir à l’entente des premières paroles prononcées par la démone. Et oui, rien que par ces quelques mots, elle en savait déjà beaucoup sur la femme qui se tenait devant elle. Cette dernière n’était pas comme tous les autres êtres de sa race mais elle n’en était pas non plus très différente… Tuer… Quel qu’en soit le motif, ce n’est guère un remède aux problèmes quels qu’ils soient. Chose, que la princesse ne tarda pas à essayer de faire comprendre à l’étrangère.

-Tuer n’est pas la seule solution pour se défendre, il existe bien d’autres moyens… Pourquoi vous persuader que vous êtes différente alors que finalement, vous êtes comme eux, une meurtrière. Rares sont les choses qui peuvent justifier un crime… Je doute que ce soit vraiment le malheur qui vous poursuive. N’avez-vous jamais pensé que cela pouvait plutôt être l’inverse ?

Puis un sourire qu’elle aurait pu difficilement empêcher s’afficha sur les lèvres de la jeune femme lorsqu’elle entendit les dernières phrases de l’inconnue. Tout comme Alexandra l’avait pensé, cette dernière ne savait pas qu’elle était la princesse de ce royaume. Il était vrai qu’il lui aurait suffi de quelques simples mots pour remettre la démone à sa place mais à quoi bon ? Est-ce qu’un simple titre était suffisant pour être au dessus de quelqu’un. Bien évidemment, le prince Aegnor n’aurait pas tardé à se faire respecter s’il avait été à la place de sa sœur, mais celle-ci n’était pas comme lui, elle n’usait jamais de son rang pour faire du mal au peuple… Néanmoins, elle savait que grâce au statut de princesse, elle bénéficiait tout de même d’une sorte de « bouclier ». En effet, il n’existait personne dans le royaume qui aurait osé s’attaquer à elle…
Il était vrai que l’étrangère n’aurait pas eu tout à fait tord à propos des habits d’Alexandra si le titre de celle-ci ne la protégeait pas. Mais d’un autre côté, la jeune femme ne pouvait pas se vêtir autrement, simplement parce qu’elle n’avait pas d’habits qui pouvaient la faire ressembler à une personne comme les autres. Tout ça, juste à cause de son père qui faisait tout pour renvoyer une « bonne image » de la famille royale.

-Croyez-moi, si j’avais vraiment le choix, je me serais gardée de me vêtir ainsi pour une simple promenade… Mais pour tout vous dire, je doute que même un brigand soit assez fou pour s’en prendre à moi… Je pense plutôt qu’il préfèrerait s’attaquer à une étrangère.

Alexandra vit la démone regarder la ville qui ne se trouvait pas très loin.

-Si c’est l’endroit où vous voulez allez, je préfère vous prévenir, je ne suis pas sûre qu’une inconnue y soit la bienvenue… Mais si vous tenez vraiment à devoir vous battre en risquant votre vie, ce n’est pas moi qui irai vous en empêcher. Après tout, nous savons bien que tuer n’est pas la chose qui vous effraye le plus, ai-je tord ?

[désolé pour la longueur et la qualité du post, j'ai vraiment pas d'inspiration en ce moment... T_T]

La jeune femme étrange commença à faire la morale à la démone, le genre de chose qu'elle ne supportait que vaguement d'ailleurs. Cependant, elle était aussi une femme sage et n'était point du genre à montrer son agacement ou entrer dans une vive colère sous le coup de l'émotion. Elle se contrôlait tant bien que mal car sa nature de démone pouvait la rendre relativement impulsive mais aussi imprévisible. En tout cas, le discours que lui tenait cette femme en disait beaucoup sur sa nature et ses idéaux, trop naïf, trop idyllique... savait-elle seulement dans quel monde elle vivait? pensait-elle vraiment que l'on pourrait empêcher autrui de tuer? c'était presque hérétique. En attendant, aussi surprenant que cela paraisse, Jézabel qui était toujours peu bavarde prit le temps de répondre, toujours avec cette tonalité monotone, presque antipathique. Pourtant, il était étonnamment de constater la douceur des traits de son visage.

" Tuer n'est pas la seule solution, je vous l'accorde mais seulement dans un monde meilleur. Ne vous attachez pas trop à ce genre de rêve idyllique mademoiselle. Dans la vie, il n'y a qu'une seule règle : tuer ou être tué. Le voleur qui s'en était pris à moi voulait me tuer... j'ai choisi de vivre. Je n'y vois pas de crime mais de la survie. Si survivre dans un monde de brute réclame que le sang soit versé, alors je l'accepte. Je suppose aussi que si vous vivez aujourd'hui, c'est parce que vos ancêtres ont tué. Sachez qu'il est inutile de tenir ce genre de dialogue inconvenant à un démon. Mon peuple est sans doute le plus brimé de tous, et on l'eut toujours pousser à tuer pour vivre. "

Bien que Jézabel n'avait aucune idée de l'essence royale qu'elle avait devant elle, on devait sans doute lui reconnaître son flair car elle devenait facilement que c'était une femme au moins aisée et noble qui se tenait avec condescendance devant elle. Comment pouvait-elle le voir? Tout simplement par la façon de parler et les manières, qui laissaient deviné que l'inconnue avait eu une bonne éducation, le genre d'éducation que l'on donnait au plus riche, sans compter non plus les vêtements luxueux qu'elle portait. Il en fallait bien peu pour reconnaître un aristocrate. Mais elle en avait déjà fait la remarque plutôt.

Alors que notre jeune femme perdait son regard dans le lointain, là où se dessinait la silhouette des toits des maisonnées de la ville, ainsi que ses tours et son château, Jézabel tendit brièvement son oreille au propos de la jeune femme, notamment sur le sujet du mauvais accueil que l'on pourrait lui réserver. En était-elle effrayée? Pas le moins du monde, doutez-vous en bien, mais c'était toujours une information bonne à savoir.

Rare était les attentions que la démone accordait à autrui, sauf pour des exceptions tels que le prince Thanos dont elle était à la fois la tutrice, la conseillère mais aussi maîtresse d'armes et quelques rares privilégiés de valeur à ses yeux, seulement elle daigna regarder une nouvelle fois l'inconnue de toute sa hauteur, puisqu'elle était sur son cheval.

" Vous êtes bien condescendante.... mais peut-on en être surpris quand il s'agit d'individu ayant un statut? J'ai vu tant de jeunes femmes comme vous.... elles sont toutes mortes. Dommage. Mais ne vous en faites pas, si vous aviez été un homme, vous seriez déjà mort depuis longtemps. Même si je suis une démone, je ne pratique pas la barbarie, ni ne tue pour le plaisir comme vos paroles ironiques le laissent entendre.... et sachez que je ne suis la bienvenue nulle part, quelques soit le royaume que je parcours.... Rugilian n'est qu'une terre de plus dans ma longue vie. "

Jézabel détourna alors une nouvelle fois les yeux vers l'horizon. Mais tiens... à propos... quel âge avait-elle? Les démons étaient une race connue pour vivre, bien que rare était les pauvres bougres pouvant tester leur longévité car il mourrait bien assez tôt. Soit parce qu'ils étaient trop impulsifs et leur précipitation leur coûtait tout simplement la vie, soit parce que beaucoup d'entre eux étaient bêtement pourchassé à cause du mépris qu'ils inspiraient... Mais si la jeune femme avait vécu aussi longtemps, cela était la preuve de son talent.

En attendant, elle donna un petit cou de rênes à Perle, la jument qui lui servait de compagne. Ce petit signe était la demande d'entamer le trot afin de poursuivre leur chemin. Il n'y avait pas de raison pour que la démone reste plus de temps en compagnie de l'inconnue, et l'envie ne la gagnait pas non plus. Généralement, Jézabel avait toujours évité de passé le plus clair de son temps avec les gens de la haute société car elle n'avait que peu de respect pour ses personnes, bien que, elle travaillait curieusement pour eux dans un rôle dans lequel on ne l'attendait certainement pas. Élever un enfant royal... par une démone dont l'âge était indéterminée et dont la réputation était controversée de par le nom de son père.... c'était cela le mystère des terres oubliées.

[excuse moi pour le retard!!! Mais mes cours m'ont pris un peu plus de temps que prévu!! mdr]

Tuer pour vivre… C’était ainsi que la démone voyait les choses. Peut être avait-elle raison ? Peut être que les humains n’étaient que des animaux où le lion le plus fort domine jusqu’à se faire détrôner dans un moment de faiblesse… Oui, le monde n’a jamais été tel qu’on aurait voulu qu’il soit. Et pourtant, loin de cette prison, de ces murs de feu du royaume de Rugilian se trouvait un tout autre monde. On aurait presque pu l’appeler un « monde de paix ». Mais, quel que soient les idéologies d’un royaume, il y en aura toujours quelques uns qui ne verront pas les choses de la même façon… C’est ainsi qu’a pu se propager le mal, c’est ainsi qu’est apparu ce monde, sombre et lugubre, d’où la princesse ne pourrait peut être jamais sortir vivante.
La jeune femme poussa un long soupir en perdant son regard au loin.

-Je suis navrée que vous ne voyiez pas les choses de la même façon que moi. Mais au fond, peut être n’avez-vous pas tout à fait tord… Après tout, peut être me suis-je créé un rêve qui ne pourra jamais se réaliser. Et pourtant, je suis toujours là, à espérer… Car l’espoir est la seule chose qui me reste à présent. Je ne peux compter sur personne, je préfère même pas parler de ma famille. Si seulement les choses s’étaient passées autrement…

La princesse se parlait presque plus à soi même qu’à l’inconnue. Pourquoi a-t-il fallu que la jeune femme naisse dans cette famille avec laquelle elle n’avait rien en commun ? Pourquoi le destin en a-t-il décidé ainsi alors que les choses auraient pu être si différentes… ? C’étaient des questions que la jeune femme ne cessait de se poser mais n’y trouvant jamais de réponse.
Alexandra se rendait bien compte du mépris que lui adressait la démone. Après les dernières paroles de celle-ci, la princesse la regarda s’éloigner lentement avec son cheval, sans se soucier de ce qui pouvait l’attendre plus loin. Alexandra ne bougea pas pendant un long moment. L’inconnue ne voulait peut être pas le montrer, mais la princesse le vit, il restait encore quelque chose de bon en elle, même si c’était assombri par tout ce qu’elle sûrement dû traverser dans sa longue vie.
Quelques longs instants passèrent avant que la jeune femme ne décide de suivre la démone. Alexandra poussa un léger sifflement qui ressemblait presque à un chant mélodieux sortant se ses lèvres. Aussitôt, une lumière claire se dessina derrière elle, laissant peu à peu apparaître un magnifique grand cheval blanc. C’était un cheval que le père de la princesse ainsi que son frère n’appréciaient guère à cause de sa couleur blanche, mais cela importait peu à la jeune femme. Elle aimait énormément cet animal qui avait toujours été là pour elle. Les seules choses qui furent imposées à Alexandra, étaient la selle et le filet, tous deux noirs aux ornements rouges – les couleurs du royaume de Rugilian.
La jeune femme caressa la tête du cheval avant de poser son pied dans l’étrier pour monter agilement sur son dos. Elle prit alors les rennes, même si elle savait que sa voix suffisait à diriger l’animal. Celui-ci partit au trot et rattrapa rapidement le cheval de la démone. Le cheval blanc étant légèrement plus grand que celui de l’inconnue, Alexandra se retrouva un peu plus haut qu’elle, sans pour autant se sentir supérieure.

-Puis-je vous accompagner ? Je dois avouer que vos paroles n’étaient pas tout à fait fausses. Je cherche peut être à créer un monde qui ne pourra jamais exister dans ce royaume…

[A nouveau désolé pour la longuer et la qualité du post T_T
Et désolé pour l'attente aussi, mais j'ai eu énormément de travail ces dernières semaines, à partir de maintenant, je vais essayer de m'améliorer ^^]

Jézabel se tenait donc là, immobile et fixe sur la selle de son cheval, regardant avec indifférence de sa hauteur la jeune femme qui s'adressait à elle, d'une voix douce et candide. D'ailleurs, celle-ci paraissait absorbée par ses propres paroles, posant son regard sur le lointain, l'esprit sans aucun doute dans le vague. Il était plus qu'évident que tout un univers séparait ces deux femmes, autant dans leur manière de vivre que celle qui accaparait leur pensée. N'ayant point vécu les mêmes expériences, ayant un destin différent, il était presque évident que de comprendre rapidement qu'il serait difficile de trouver un terrain d'entente... une démone, une élémentale... il y avait là un gouffre.
Mais quoiqu'il en soit, notre dame à la chevelure argentée avait écouté jusqu'au bout les propos de la demoiselle avant de s'en aller. Pour elle, il n'y avait plus rien à dire, plus rien à raconter. Laissant alors la conversation s'achever sur une tonalité assez sévère de sa part, Jézabel s'éloigna sur le dos de sa jument, aux trots, tranquillement et sans se presser. Il n'y avait rien qui attendait notre jeune femme, elle n'avait aucune obligation dans l'immédiat si ce n'était de retrouver un peu de sérénité, un peu de temps pour elle. Néanmoins, malgré l'innocence de son voyage, elle était aussi à l'affût de toutes les informations du monde de l'Erade. Il fallait qu'elle garde un oeil sur chaque royaume à sa façon, il fallait qu'elle soit au courant de tout type de nouvelle concernant les héritiers, des personnes régnantes, de leur position, de leurs idéaux. Tout. Ne serait-ce que pour elle-même, ou pour des projets plus ambitieux et futurs.

Dame Shemhazai, comme quelques rares personnes pouvaient encore l'appeler, était une personnalité assez étonnante en soit. A vrai dire, personne ne connaissait son âge, personne n'était apte à dire avec certitude qui elle était, si ce n'était une démone. Personne ne connaissait ses véritables positions sur les évènements présents, la politique, et bien d'autres choses. Malgré les rumeurs que l'on pouvait divulguer au hasard dans les rues, Jézabel n'en était pas moins une énigme. On la disait maudite, mais quelle malédiction? Avait-elle une épée de Damoclès au dessus de sa tête qui expliquerait son stoïcisme? Était-elle en danger de mort? Pourquoi paraissait-elle si gelée de cœur et imperturbable?
Personne, oui personne ne pouvait confirmer quoique se soit sur son compte, même les gens les plus proches de sa personne. Ho! On pouvait aisément connaître quelques uns de ses vices, comme son goût pour les armes en tout genre. On racontait qu'elle en possédait une formidable collection et qu'elle s'était entraînée avec chacune d'entre elles. Légende ou vérité? On racontait aussi qu'elle savait jouer de la musique et composait des mélopées étrangement mélancoliques, bien loin de l'image peu romantique que l'on faisait aux démons. On disait beaucoup de chose comme vous pouvez le voir.... Et pour croire en tous ses contes, sans doute qu'il fallait la voir pour le croire.

Là, notre demoiselle passait son chemin, sans attendre quoique se soit de la part de son ancienne interlocutrice qu'elle croyait loin derrière elle.... puis voilà qu'elle entendit un sifflement. Étonnée, Jézabel ne se détourna pourtant pas, bien qu'elle jeta un œil en biais sur le côté. Le chant sifflé ne s'était pas adressé à elle, et même si cela avait été le cas, elle n'aurait pas pris la peine de s'arrêter.
Mais quelques minutes après, entendant des bruits de trots, elle comprit que la jeune fille s'était munie d'un canasson pour la rejoindre. Cependant, même quand celle-ci arriva à sa hauteur, la démone ne prit nullement la peine de la regarder, bien qu'elle écouta attentivement sa proposition de prendre le même chemin qu'elle. Finalement, elle ferait le voyage accompagnée. La vie était pleine d'imprévue.... imprévue qu'elle aurait pu tout aussi bien se passer.

" Vous êtes libre de faire ce qui bon vous semble. "

Sèche, froide, peu sentimentale, on ne pouvait pas dire que Dame Shemhazai parlait avec des pincettes. Cependant, elle s'étonna de voir que la noble demoiselle semblait porter un peu plus de considération aux paroles qu'elle avait tenu auparavant. Néanmoins, le discours que notre démone allait tenir maintenant pourrait paraître plus surprenant.

" Vous êtes sans doute une femme pleine d'utopie, mais vous ne prenez pas assez le monde que nous avons en considération. Vous ne pourrez jamais créer un monde à votre image car vous n'êtes pas un dieu, et même si vous en aviez le pouvoir, vous devriez tout effacer, tout détruire pour en faire renaître un. Vous ne devez pas créer, vous devez transformer... pour cela, il vous vaudra commencer pas les esprits de tous les peuples, le reste se fera naturellement. "

Est-ce que c'était un conseil? Est-ce que c'était une constatation? A vrai dire, c'était assez difficile à savoir. Néanmoins, c'était toujours bon à prendre non? L'avantage, c'était que cela poussa Jézabel a être un peu plus bavarde que d'habitude.

[Pas de soucis pucinette, prend ton temps! Ton poste était très bien! ^^]

Après avoir « accepté » la compagnie de la jeune femme, la démone se mit de nouveau à parler définissant les idées de la princesse comme utopiques et lui confirmant qu’elle ne pourrait jamais créer un tel monde ici. C’était sûrement vrai, le royaume de Rugilian n’avait certainement plus aucun espoir de redevenir comme il l’était au tout début. Au tout début où il n’y avait pas de guerres, pas de sang, pas de meurtres…
Alexandra regarda de nouveau au loin, faisant partir lentement son cheval blanc. Une blancheur qui se distinguait énormément de tout ce que l’on pouvait voir dans le royaume. Pour la princesse, les nuages gris étaient rouges et les larmes du ciel n’étaient autres que le sang de ces incalculables personnes, mortes dans la souffrance et l’ignorance.

-Vous avez raison, un tel monde ne pourra jamais exister ici, mais détrompez-vous, je ne me suis pas renfermée sur des pensées utopiques… Je sais très bien que ce royaume ne pourra jamais redevenir comme au tout début, où la mort n’avait encore pas de signification. Si je ne le savais pas, je n’aurais pas combattu dans de nombreuses batailles auprès de ceux qui ne sont peut être même pas ma famille. Mais je sais que ce monde existe bel et bien, au-delà de ces frontières de feu et de sang. Je sais qu’un jour mon destin me conduira hors de cet enfer et je sais que, même si la mort m’est indispensable, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour faire l’impossible…

Alexandra porta son regard vers le ciel et ces innombrables nuages qui cherchaient à cacher le soleil, à cacher la lumière. La jeune femme fit un léger geste de main, presque invisible. Au même moment quelques nuages se séparèrent laissant peu à peu apparaître un rayon de soleil éclairant la route qui menait à la cité. La princesse se retourna vers la démone qui ne se donnait même pas la peine de lui adresser un regard.

-Le Bien n’a pas encore été vaincu et il est beaucoup plus puissant que vous ne le pensez. Il suffit d’y croire…

Il suffit d’y croire… Après tout ce que la jeune femme avait traversé, il était étonnant qu’elle puisse encore avoir la foi en quelque chose et pourtant… elle y croyait encore. Comme tout le monde, elle avait un rêve. Un rêve qui ne deviendrait peut être jamais peut être réalité mais qui lui permettait de ne pas hésiter sur la voie qu’elle avait à suivre, qui lui permettait de ne pas devenir… comme eux…

-Bien évidemment, reprit-elle, je ne suis pas un ange descendu du ciel, j’ai fait des choses que peu se laisseraient imaginer. Mais quand je ne suis pas obligée de tuer, je ne le fais pas. Peu de personnes le savent, mais il y a bien pire que la mort…

Quelques longs instants passèrent. Les deux femmes étaient déjà presque arrivées aux portes de la cité qui étaient ouvertes. Deux gardes étaient positionnés de chaque côté. A la vue d’Alexandra, ils s’inclinèrent.

-Bonjour princesse Alexandra, souhaitez-vous que l’on vous escorte ?

-Non merci, je n’en ai pas besoin, répondit la jeune femme en leur adressant un sourire. Par contre, vous pouvez faire une pause, vous devez être là depuis un long moment.

Les gardes se regardèrent avant que l’un d’eux ne répondre, hésitant.

-Mais… Sa majesté nous a interdit de bouger de notre poste…

-Oui, mais je vous donne l’ordre de faire une pause. A moins que vous ne vouliez contester mon autorité ? répondit-elle en rigolant.

Les deux hommes s’échangèrent un regard et s’inclinèrent à nouveau en souriant.

-Merci dame Alexandra !

La jeune femme leur fit un signe de main pour se relever et les laissa partir. Puis elle se tourna de nouveau vers la démone comme si de rien n’était.

-Où voulez-vous aller ? La cité est grande et je serais ravie que vous acceptiez de continuer votre chemin en ma compagnie, je connais parfaitement cette ville...

Il était vrai que Dame Shemhazai n'avait strictement aucune idée de la réelle identité de la jeune femme qui se tenait sur son beau cheval blanc à ses côtés, mais son impétuosité, sa prestance et son comportement, tout cela éveillait en elle quelques soupçons qui n'étaient pas s'en lui rappeler un jeune homme qu'elle devait elle-même protéger. A vrai dire, cela ne mettait pas la jeune femme à son avantage car elle avait une certaine opinion des "jeunes" comme elle le disait... C'était d'ailleurs assez amusant de l'entendre parler ainsi car elle-même avait l'apparence d'une jeune femme, et dont le charme était non négligeable d'ailleurs. Mais quoiqu'il en soit, Jézabel ne portait aucune hostilité pour le royaume de Rugilian, bien au contraire, il pourrait se révéler être des alliés intéressants. Mais pour cela, ce n'était pas à elle d'en prendre la décision, ni t'entamer une alliance quelle qu'elle soit.... seul le prince déciderait, c'était son rôle.

En attendant, notre démone n'était là que pour se faire des marques, connaître chaque lieu, chaque centimètre de ce royaume, comment est-il diriger, ses règles, ses coutumes peut-être... Elle n'était pourtant pas une espionne mais ses attributions lui demandaient d'être intraitable et prudente. Alors elle y veillait simplement, avec un certain détachement troublant. Cela ne paraissait aucunement la gêner, ni même être un fardeau, elle accomplissait simplement la tâche qui lui avait été demandé, presque mécaniquement pour l'heure.... et pourtant, l'influence qu'elle exerçait sur une certaine personne pourrait être décrypter comme étant un avantage majeur, ne serait-ce que pour son propre compte, mais jamais elle n'agissait pour sa gloire personnelle.... d'ailleurs, personne ne savait avec exactitude pourquoi elle agissait, depuis des centaines d'années, ses ambitions étaient obscures et brumeuses...

Alors que son corps se dandinait au rythme du trots de sa jument, la démone ne daignait toujours pas porter ne serait-ce qu'un seul regard sur la remarquable jeune femme qui l'accompagnait. Il ne fallait point y voir là un manque de respect, bien qu'il aurait été possible de l'interpréter ainsi. Non, il n'y avait là qu'une attitude, une attitude qui s'était forgée ainsi depuis des années, non émotives, hagardes et qui pourrait agacée plus d'une personne. Mais le sang froid qui était celui de Jézabel, même déconcertant, était l'une de ses armes les plus redoutables, au delà de ses poings et ses armes.

" Vous êtes jeune... un jour vous comprendrez que l'espoir ne se situe que dans les larmes que vous verserez... et comme elles, cet espoir se dissoudra en moins de temps qu'il vous en aura fallu pour le dire. Mais soyez sans crainte, vous mourrez sans doute avant de faire cette terrible constatation qui vous consumerez sans doute..."

La monotonie et le calme avec lequel notre démone aux cheveux d'argent s'expliqua était telle que l'on comprenait rapidement qu'il n'y avait aucune menace dans ses paroles, et encore moins d'agressivité. Certes, cela pouvait paraître assez angoissant et lorsqu'elle disait que la noble demoiselle serait morte avant de voir ses espoirs totalement anéantis, elle ne faisait référence qu'à sa longévité qui devait être de courtes durées.... ou peut-être pas finalement. Il fallait dire que les paroles de notre démone étaient pleine d'ambiguïté.

Ho, cette compagne d'infortune était véritablement une bonne personne dont l'âme n'avait pas été souillée par le mal, c'était un constat assez affligeant pour Jézabel, bien que... elle savait qu'il existait de nombreuses personnes telles qu'elle. Généralement, les hommes et femmes de bien étaient tous très entêtés, même beaucoup trop au goût de la démone. Mais quelque part, elle admirait cette audace qu'il avait tous à se refuser de se plier grâce à la force de leur conviction...

" Vous êtes libre de croire.... mais le bien ne triomphera jamais du mal, pour la simple et bonne raison que l'un n'est rien sans l'autre. Vouloir anhiler l'autre signifierait mettre fin à un tout, comme la conception même que nous avons de ce qui est bon ou mauvais. Le bien et le mal ne sont que des notions abstraites... toutes deux pèsent sur une balance et le jeu du monde est de la faire pencher plus d'un côté que de l'autre... mais personne n'arrivera à renverser les plateaux. C'est une histoire qui n'aurait jamais de fin... "

Démoralisante conversation, mais au moins, toutes les deux avaient chacune leur point de vue propre et cela animait en un sens leur dialogue. Néanmoins, il y avait toujours quelque chose de cruellement dérangeant dans les mots de Jézabel... Puis finalement le silence retomba entre toutes les deux jusqu'à ce qu'elles parviennent aux grandes protes de la cité. Là, deux gardes se dressèrent à la vue de la compagne de la démone, ne remettant donc pas en doute la conclusion qu'elle avait pu tiré sur l'importance que pouvait avoir cette demoiselle... seulement, elle n'avait pas imaginé qu'il s'agissait bien là de la princesse du royaume. Cependant, quelque part, cela ne la surprenait guère... non ce qui l'étonnait c'était plutôt les propos pacifistes qui animaient son esprit alors qu'elle habitait un domaine aussi guerrier que Rugilian. C'était presque contre nature quand on connaissait le passé tortueux de ses terres. En tout cas, même en sachant la vérité, le comportement de la démone, autant que sa manière de se parler n'allait guère changer. Vous pensez que la royauté pouvait la surprendre? N'oubliez pas qu'elle avait la charge du prince des terres oubliés depuis sa naissance, alors elle en avait déjà vu de toutes les couleurs.

Mais alors que les gardes prirent leur pose, voilà que Alexandra, puisque tel était son prénom, proposa de jouer les guides et lui faire visiter les environs. Voilà une proposition aussi juteuse qu'intéressante, surtout si c'était une héritière qui se chargeait du tout.

" C'est une généreuse proposition. Emmenez donc moi sur le lieu le plus prestigieux de votre cité... "

A vrai dire, n'importe quel endroit pourrait lui faire l'affaire, mais elle était sans doute curieuse de voir où pourrait l'emmener la jeune princesse...

Tout le monde le sait, le royaume de Rugilian n’a toujours été qu’un simple territoire qui paraissait encerclé de feu. En y entrant on pouvait sentir une odeur de fumée même lorsque toutes les flammes étaient éteintes. Il y régnait toujours une grande chaleur, l’hiver ne se différenciait guère de l’été. Il y faisait chaud même si, le soleil n’apparaissait que rarement, ne parvenant pas à projeter ses rayons à travers de denses nuages d’un gris foncé, presque même noir. Cela avait toujours été un endroit sombre et lugubre dans lequel peu osent s’aventurer. Depuis toujours ? Non… Car il y a de cela de nombreux siècles, c’était un endroit magnifique. Un endroit où l’on pouvait sentir l’exquise odeur de fleurs qui dominaient les plaines, observer de sublimes couchers de soleil et écouter l’incomparable chant des rossignols. Malheureusement, ces temps là avaient pris fin, laissant place à ce monde sombrant de plus en plus dans les ténèbres où seuls les mots « guerre » et « mort » avaient encore leur signification.
Ce monde idéal sans souffrance qui existait autrefois ne pourra jamais refaire son apparition dans ce royaume, Alexandra le savait bien, mais elle savait aussi que derrière ces frontières tout était différent. Elle savait aussi qu’un jour elle quitterait ces terres pour aller rejoindre sa véritable famille. Le royaume d’Airian représentait tout ce qu’elle avait toujours rêvé… Mais ce rêve était, pour l’instant, encore bien loin, impossible à atteindre. Tout simplement car étant donné la guerre qui se préparait, la princesse n’avait pas le droit de partir. Certes, pour rester, il lui fallait mentir et faire semblant, mais cela n’était rien face à tout ce qu’elle pouvait réaliser en attendant de partir auprès des siens. Et puis… s’en aller pour vivre dans un autre royaume aurait peut être même été beaucoup plus dur pour elle, c’était presque comme si elle avait peur de se retrouver dans un endroit où règne la paix, simplement parce qu’elle ne pouvait presque pas se vanter de savoir ce que c’est réellement…

Perdue dans ses pensées, la jeune femme fut réveillée à l’entente de la voix de la démone.

-Mon espoir ne se dissoudra pas dans mes larmes car je ne pleure jamais. Ce n’est, bien sûr, pas une preuve de faiblesse mais c’est ce qui la fait apparaître. Comme je suis consciente de cela, je n’en ai pas besoin. Je fais confiance à mes idées, car je sais que toutes mes pensées se confirmeront où ont déjà été confirmées. Vous me direz peut être à présent que je suis bien trop sûre de moi et que c’est, justement mon point faible. Si c’est le cas, vous n’aurez pas tort, mais cela étant, vous devrez admettre que c’est aussi un point fort.

Alexandra fronça les sourcils lorsque la démone se mit à parler du Bien et du Mal. Décidément, elles ne voyaient pas les choses de la même façon…

-Je n’ai peut être pas autant d’expérience que vous, et sûrement pas votre intelligence étant donné que vous avez vivez depuis bien plus longtemps que moi et que vous avez du traverser beaucoup de choses, mais sauf votre respect, vous restez tout de même étroite d’esprit. Pour vous, tout se résume au Bien et au Mal. Bien entendu, l’un ne pourra jamais exister sans l’autre, mais derrière ces deux camps se cache tout autre chose. Si l’on cherche plus loin, on peut facilement voir que le Bien et le Mal ne sont pas indispensables. Voyez-vous, tout ne se résume pas par notre monde. L’Univers est bien plus grand et la plupart de ce qu’il contient nous est incompréhensible. Mais il suffit de creuser un peu pour comprendre que chaque âme joue un rôle important dans tout ce qui se déroule, qu’elle contribue à bien d’autres choses que celles que nous connaissons. Je pense que la Terre est simplement sujette d’une expérience que l’on n’arrive pas à mener à bien parce que les gens refusent de voir ce qui se trouve au-delà du Bien et du Mal…
Bien évidemment, il se peut que j’aie tort dans tout ce que je viens de dire du début jusqu’à la fin, et il se peut aussi que vous me trouviez stupide de penser cela, que je ne suis encore qu’une enfant qui s’enferme dans un rêve, mais je préfère m’accrocher à ces idées plutôt que de croire à un combat qui n’aura jamais de fin...

A l’entente des dernières paroles de la démone, Alexandra poussa un léger soupir et regarda l’immense cité qui se dressait face à elle.

-Vous ne risquez pas de trouver quoi que ce soit de prestigieux ici, c’est un endroit sombre et lugubre où la beauté se fait rare… Mais je peux vous emmener à un endroit qui est sûrement le plus important du royaume de Rugilian. Le temple de la Pierre Rouge. Comme son nom l’indique, à l’intérieur se trouve la Pierre Rouge, l’objet sûrement le plus précieux qui puisse ce trouver dans Rugilian…

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