Rencontre Démoniaque [PV Jézabel Shemhazai]

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Perché sur la branche d’un arbre qui surplombait le cours d’eau, il regardait le liquide couler en silence tout en songeant aux changements que son exil avait opérés en lui. Il avait perdu une part de son insensibilité et de sa méchanceté gratuite, il ne pouvait se permettre de tomber plus bas ou bien il risquait de devenir une proie traquée par ses compatriotes en plus d’un exilé. Il frissonna à cette idée et leva les yeux vers le ciel, le jour n’allait pas tarder à se lever, autant aller voir ce que ce royaume recelait comme curiosités.

Il descendit de la branche en un saut gracieux et atterrit comme un félin sur le sol avant de se relever, il se dirigeait vers un sentier s’enfonçant dans les bois quand une étrange sensation le perturba et le força à se retourner, il y avait quelqu’un d’autre ici, quelqu’un avec une aura maléfique qui ne pouvait être que celle d’un démon. Il se redressa de toute sa hauteur et porta la main au katana qui se trouvait attaché à son côté.

- Montrez-vous, qui que vous soyez… Je n’aime pas l’idée d’avoir une personne appartenant au même peuple que moi en train de m’observer…

Il détaillait les environs du regard à la recherche d’une trace quelconque qui pourrait révéler l’endroit où se trouvait la personne inconnue qui l’observait.

(Un peu court, mais je ne voyais pas quoi mettre d'autre…)

Il y avait tellement peu de chose à faire sur les terres oubliées, que la démone que l'on disait maudite préféra quitter son pays natal pour de nouveaux horizons. Elle avait pensé qu'elle pourrait oublier toutes ses questions qui la hantent en partant bien loin. Ce fut ainsi qu'elle trouva malin de venir sur des terres qui se voulaient de toute neutralité, un royaume où même un démon pouvait venir s'y balader sans être traqué, tant que celui-ci ne fautait pas en ce lieu. Étrangement, Jézabel n'avait aucune envie de sang, aucune soif de combat. Elle ne cherchait nul autre que la sérénité. Pourquoi? Parce qu'elle bataillait en son âme pour faire mains basses sur les sentiments qui s'affrontaient au creux de sa poitrine, le poids de sa malédiction, car il n'y avait nul autre mot pour les qualifier quand on était démon. C'était contre nature, à l'antithèse totalement de ce qu'elle était. Voilà maintenant qu'elle n'était que l'objet de la fureur de sa propre race à l'égard de son père. Qui aurait cru que cela aille si loin?

La jeune femme entra alors dans les terres d'Amilian, un lieu verdoyant et fertile. On disait que la pierre verte veillait au bien être de ce royaume, tout comme ce qui en était à la tête. Cependant, elle ne savait que bien peu de chose sur les mondanités du monde. Ce fut alors que la démone atteignit des contrées immaculées, puis une rivière qu'elle finit par suivre jusqu'à ce que celle-ci l'amène dans une destination inconnue. Que cherchait-elle? Jézabel n'en avait aucune idée et cette question ne semblait pas la déranger.

La démone portait alors un manteau, épais et sombre dont elle avait rabattu la capuche sur son visage pour ne pas que l'on discerne ses traits. Ainsi, cela lui donnait une allure assez lugubre mais tout aussi mystérieuse. On pouvait à peine voire quelques mèches de cheveux cendrés lui tomber par devant. Elle avait cependant une démarche nonchalante et assurée jusqu'à ce que soudainement, elle stoppa tout. Non loin de là, près de la rivière, se tenait la silhouette d'un individu inconnu au bataillon. Il semblait sur ses gardes, ce qui signifiaient qu'il avait sans doute quelque chose à se reprocher, et l'appela Jézabel distinctement de sortir de sa cachette.

La jeune femme n'était camouflée alors que par des arbres à l'écorce noire. Et sans dire mot, elle s'avança, les mains le long du corps vers l'autre démon, car il en était résolument un autre. lorsqu'elle parvint à quelques mètres de lui, maintenant alors une distance raisonnable entre eux deux, elle s'adressa à lui avec une voix étonnement douce et sereine, mais elle ne prit pas la peine de retirer son capuchon.

" Je ne suis pas là en tant qu'ennemie. Vous n'avez rien à craindre de moi tant que vous ne vous montrerez pas hostile à mon égard. De plus, je n'étais pas en train de vous observer, je viens à peine d'arriver. "

Malgré la belle intonation de sa voix, elle était tout de même empreinte d'une certaine monotonie qui démontrait son indifférence pour son compatriote. Pour elle, il était un démon comme un autre, bien qu'elle trouva surprenant d'en voir un sur ses terres, tout comme elle. Seulement, cela ne devait pas être les mêmes choses qui les guidaient à Amilian.

" Vous pouvez retirer votre main de votre fourreau, vous me semblez bien tendu pour un démon. Est-ce donc parce que vous n'êtes pas sur votre terrain de jeu habituel? "

Jézabel entrait alors dans le vif du sujet, inutile de faire preuve de politesse entre démons, et de tourner autour du pot. Voilà bien quelque chose qui était rudement pratique avec leur peuple, jamais de superflus, que du direct. C'était un peuple que l'on disait bien souvent sans scrupules, mais au moins, il n'hésitait jamais, ne se posait pas forcément des questions qui puissent les freiner, leur détermination était grande. Beaucoup avait de quoi les envier, mais c'était assez difficile à reconnaître étant donné leur réputation. Un jour viendrait où on les reconnaîtrait pour leur valeur, Jézabel en était persuadée...

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Il éloigna sa main de son arme, inutile de rester sur ses gardes même si l’inconnue cachait son visage dans l’ombre de sa capuche, cela ne ferait qu’envenimer la situation et il n’était pas désireux de se battre pour le moment. Son visage prit alors l’expression même de l’impassibilité et de la sérénité, il n’avait pas de raison de s’inquiéter du moment qu’il n’avouait pas les faiblesses qui le rongeaient. Il n’était plus le démon plein de désirs irrépressibles de sa jeunesse, celui qui faisait le mal sans réfléchir.

- Un Exilé n’a pas de terrain de jeu habituel, il erre à la recherche de ce qui pourra lui permettre de reprendre sa place…

Sa bouche venait de se déformer en un sourire teinté d’ironie et de malice, il reprenait peu à peu ses mauvaises habitudes. Il remit un peu d’ordre dans ses vêtements, en y ôtant les brindilles et la poussière qui les maculaient. Il se prosterna ensuite devant la mystérieuse démone dans une parodie de courtisan des plus ironiques.

- Je n’ai aucunes mauvaises intentions à votre égard, du moins, pour le moment… Permettez moi de m’introduire, mademoiselle… Sardonis Corvus pour vous servir…

Il se redressa ensuite de toute sa hauteur et porta sa main à ses cheveux dont il ôta quelques mèches de devant son regard de feu. Il souriait toujours mais d’une façon plus sincère et moins insolente. Il se demandait intérieurement si il n’avait pas mal fait de donner son vrai nom même si il était trop tard pour revenir en arrière. Il prit ensuite un ton mielleux et douceâtre à souhait pour continuer.

- Et puis-je savoir à qui j’ai affaire, si ce n’est pas indiscret ? Ainsi que la raison qui vous pousse à me cacher vos traits ?

Il fit mine de réfléchir un moment, l’index droit posé sur ses lèvres tout en prenant un air pensif exagéré. Sa comédie prit fin rapidement sur un sourire carnassier digne du plus grand des prédateurs que ces terres portaient. Sa voix était maintenant marquée par la curiosité et assez incisive.

- Et ce qui vous amène si loin des terres oubliées où vit notre cher peuple ?

Jézabel semblait immobile, voire même inerte. Elle ne bougeait pas d'un cil comme une statue de marbre qui aurait été abandonnée là, près de la rivière sans nom. Mais alors que celle-ci pria alors son compatriote de lâcher prise de son pommeau, il s'exécuta sagement, bien qu'il n'y avait derrière les paroles de la jeune femme qu'un conseil pour ne pas donner lieu à un affrontement. Cela aurait été fortement déplaisant, d'autant plus qu'elle n'était pas là pour cela. D'ailleurs, commencer à faire parler d'elle ainsi pourrait lui valoir l'exil des terres d'Amilian, sur lesquelles elle mettait pour la première fois un pied. Cela aurait été fortement désagréable, étant donné que le royaume était sous le joug de la neutralité entre les peuples et les autres dynasties. C'était un avantage pour bien du monde.

Ce fut alors sans aucune pudeur que l'inconnu démoniaque dévoila qu'il était un exilé. Un démon exilé? Cela signifiait donc qu'il avait été répudié de son propre monde et de sa propre race. Pour en arriver à de telles extrémités, Jézabel savait qu'il fallait avoir commis une faute grave à l'encontre des siens. C'était un aspect un peu primitif des lois démoniaques, mais on ne choisissait pas l'étoile sous laquelle on naissait.

" Reprendre sa place? Il faudrait qu'il mettre sa vie en jeu un nombre incalculable de fois pour cela... et encore, cela ne serait jamais assez, telles sont les lois de notre peuple. "

Voilà bien quelque chose de cruel et de terrible, mais il ne fallait jamais avoir trop d'espoir quand il s'agissait d'un peuple aussi soumis au mal. Puis ce fut alors qu'un bien cynique sourire se profila sur le visage de l'inconnu. Cela n'annonçait rien de bon, cependant, la démone ne semblait point agacée et n'avait toujours pas sourcillé depuis les quelques instants qui s'étaient écoulés. Elle semblait désireuse de cacher son identité, bien que, au sein de ce royaume, personne ne pourrait réellement se douter de ce qui pesait sur ses épaules.

Ce fut alors que dans de bien aimable courbette, il leva le voile sur son identité, se présentant vraisemblablement de son nom véritable? C'était assez osé mais l'exilé semblait ne rien avoir à cacher. Sardonis Corvus... dans l'immédiat ce nom ne lui rappelait rien du tout, sans aucun doute parce que la jeune femme avait été assez coupée du monde, autant du sien que ceux des autres royaumes. Et puisqu'elle n'avait aucun "ami", elle n'était informée de rien, si ce n'était que par les opposants qui souhaitaient se battre contre elle.

Mais voilà, le démon ne tarda pas à renvoyer la question à son interlocutrice, une chose assez prévisible en soit, c'était du donnant donnant. Cependant, Jézabel resta muette et se montra étrangement énigmatique et vague sur sa réponse. Après tout, avait-elle demandé qui était le jeune homme? Il avait lui même céder son nom sans qu'elle ne réclamait quoique se soit, c'était d'ailleurs peut-être une erreur de sa part....

" La raison qui me pousse à me cacher peut-être tout aussi bien la raison qui m'a amené à quitter les terres oubliées. Si je venais à le dévoiler aussi aisément, quel aura été l'intérêt de me dissimuler encore maintenant? Bien que tu n'es pas une menace pour moi, je préfère me montrer prudente. Cependant, tu peux m'appeler Jézabel pour l'instant. "

La démone ne raconta alors rien sur les raisons de sa venue sur Amilian. Elle ne faisait confiance à personne, pourquoi irait-elle raconter ses projets ou ses raisons quel qu'il soit à un démon dont elle ne savait rien sur son compte? Non, elle n'était point ce genre de personne, que cela en déplaise, elle en a bien que faire. Marquant alors une pause dans ses propos, elle crut tout de moins nécessaire de rajouter quelques vaines paroles, de quoi satisfaire son interlocuteur.

" Vous pouvez me considérez comme une sorte d'exilée, si cela peut vous satisfaire comme réponse. Je n'aurais rien à ajouter à cela. Cependant, pour avoir hérité du titre d'exilé, votre forfait auprès de notre peuple devait être bien lourd..."

Il n'y avait dans sa phrase aucune question véritable, mais plutôt une constatation que Sardonis pouvait librement répondre si leur cœur lui en disait, en attendant Jézabel n'avait toujours pas bougé, ni retirer son capuchon. On pouvait à peine distinguer ses lèvres carmins prononçant son discours. Pourquoi faisait-elle autant de mystère? Allez savoir, il était toujours bien difficile de cerner un démon...

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La démone lui donnait du fil à retordre, elle semblait décidée à ne pas trop dévoiler sa personne, cela rendrait le jeu que plus intéressant…
Car c’est ainsi que le démon voyait la vie, comme un jeu où il y avait des perdants et des vainqueurs, on était vainqueur si on était encore en vie à la fin de la journée et si on avait appris quelque chose de nouveau. Il passa sa langue sur sa lèvre supérieure tout en fixant son interlocutrice qui disait s’appeler Jézabel. Aujourd’hui, il voulait être vainqueur sans pour autant que ce soit aux dépens de la mystérieuse demoiselle.

- Ah, je ne suis point coupable d’une grave infamie mais simplement d’un excès d’orgueil et d’insolence… J’ai joué les grands princes et j’en ai payé le prix par la suite… Mais je ne le regrette pas forcément maintenant… Car on m’a donné l’occasion de prouver ma valeur… Je ne peux retourner sur nos terres qu’en tant que seigneur démoniaque…

Un sourire charmeur vint se poser sur son visage au teint laiteux, son regard flamboyait de milles feux tandis qu’il fixait la damoiselle. Il ne savait que trop bien ce qu’il allait lui dire pour tenter de lui faire dévoiler ses traits, il ne supportait pas de ne pas voir le visage de ses interlocuteurs. Il hésitait juste encore un peu sur la forme, il ne voulait pas vexer non plus son interlocutrice.

- Je ne vois pas de raisons qui soient assez importantes pour cacher ses traits surtout si leur beauté est proportionnelle à celle de votre douce et charmante voix… C’est un honneur que vous me feriez de me laisser voir votre visage… Chère Damoiselle Jézabel…

Les mots, ils ne savaient utiliser que ça généralement avec les femmes de son espèce, point de violence de sa part, juste de belles paroles qu’il voulait convaincantes et pleines de charme. Il détourna le regard de la démone pour regarder le flot continu de la Rivière Sans Nom, drôle de nom pour une rivière d’ailleurs. Il prit un ton qui se voulait neutre pour la suite de ses paroles.

- A moins que vous n’ayez quelque chose à vous reprocher ?

Il disait cela juste pour voir comment aller réagir la dénommée Jézabel et ainsi pouvoir se divertir un peu, il s’ennuyait ferme, cela faisait un moment qu’il n’avait pas trouvé d’occasion de s’y divertir. Ses lèvres s’étaient figées en un sourire malicieux qui frôlait la perversité. Il savait tout tourner en dérision et là était sa force.

Sardonis Corvus était décidément un bien drôle de bougre démoniaque, il semblait se moquer complètement de la prudence, jouant avec le feu, pour au final donner encore plus d'éclaircissement sur lui. C'était un peu inconscient de sa part, mais les gens de sa race n'étaient pas réputés non plus pour être le contraire. N'avait-il donc pas peur qu'elle soit une envoyée des terres oubliées pour le traquer? Après tout, ne sachant rien sur le compte de la demoiselle, il n'avait eu que seules ses paroles en guise de garantie, rien d'autre. La fourberie, jouer les êtres perfides et vicieux, étaient les qualités même d'un démon, cela le rendait d'autant plus puissant imprévisible. Jézabel aurait pu être un vassal ou un héraut d'on ne sait quel démon qui était à l'origine de l'exil de celui-là. Mais vraisemblablement, il se moquait des convenances et heureusement pour lui, la providence était de son côté.

D'une voix calme et suave, dénuée de tout jugement, elle en put néanmoins ne pas s'empêcher de faire un léger commentaire sur les dires de son camarade de jeu. Il semblait relativement imbus de sa personne mais aussi étonnement ambitieux. C'était peut-être une bonne chose de savoir ce que l'on désirait, mais il fallait cependant ne pas faire preuve de trop d'impulsivité.

" Un excès d'orgueil et d'insolence... pourquoi ne suis-je pas surprise? Cela a toujours fait défaut aux démons. Mais votre excès devait être bien grand pour que celui-ci choque les nôtres. Mais qu'importe ce que vous avez pu faire, cela ne me concerne pas et je ne me ferais pas juge de vos actions. "

Seigneur démoniaque... voilà un bien beau projet d'avenir. Un destin qui pourrait être fabuleux.... un destin qui ne croiserait jamais la route de Jézabel car elle ne pourrait jamais régner sur n'importe quel royaume de part le poids de sa malédiction. De plus, le pouvoir sur tout un monde ne l'intéressait pas, du moins pas pour l'instant... elle avait bien d'autres problèmes personnels plus oppressants que son ambitions. Mais elle était démone, et son sang bouillonnait quand elle refusait à écouter ses instincts primitifs. C'était comme être un métamorphe et se refuser à laisser sa part animale libre. Sauf qu'être démon avait des vues bien plus sanglantes et menaçantes, régis par le mal et le sens même de la barbarie. Mais avait-on essayé un jour de leur permettre de se faire une autre réputation? Ou ne serait-ce que de les aider à combattre leur émotion malsaine? Non, parce que l'on ne connaissait aucun démon censé qui aimerait être anhilé de toute cela.... à part Jézabel car elle devait vivre avec le poids du remords et de la culpabilité, qui en tant normal, tout démon fut démuni. Vivre en étant conscient du sens véritable de la vie, vivre en connaissant la peine et la douleur des âmes dans un genre peu commun...

Mais voilà que son camarade s'essaya subitement à la flatterie, pensant que de belles paroles suffiraient à ce que la jeune femme se dévoile. La pensait-il aussi candide et superficielle? Apparemment, car elle ne connaissait pas la noblesse parmi les siens, et les rares politesses dont il pouvait faire preuve n'était autre que de laisser le choix de sa mort à sa victime, ou bien parler pour mieux poignarder dans le dos.

" Un honneur... il vous en faudrait donc si peu pour vous faire honneur, vous qui souhaitez venir en tant que seigneur démoniaque sur les terres oubliées? Et bien... il est vrai qu'il n'y a nul danger pour moi de me montrer à vous. "

Dans la possibilité hypothétique que le jeune homme devienne seigneur, détrônant alors les sorciers qui avaient le contrôle sur leurs terres, Jézabel s'était fixée de ne plus avoir aucun roi, ni n'importe quel individu qui puisse lui donner des ordres ou venir à la manipuler. On s'était déjà joué d'elle une fois, on ne l'y reprendrait pas.

Ce fut alors que Corvus demanda innocemment si la jeune femme avait quelque chose à se reprocher, et là, un léger sourire se dessina sous sa capuche, imperceptible mais tout de même là. Se reprocher? C'était assez ironique. Oui, elle pouvait se reprocher d'avoir un nom, d'avoir une malédiction, d'avoir eu comme père un démon aussi vaniteux que fou, d'avoir pu se laisser méprendre par un homme dont elle savait rien, se reprocher aussi d'avoir laissé libre court à ses émotions... il y avait un grand nombre de chose qu'elle pouvait se reprocher parce qu'elle en était capable contrairement à ses frères.

" Si un jour vous venez à rencontrer un démon qui n'a rien à se reprocher, méfiez-vous de lui car il serait soit vaniteux soit un menteur. Mais si vous tenez tant à percevoir mon visage..."

D'un geste lent, la jeune femme laissa alors soudainement abaisser sa capuche, dévoilant alors ses traits fins et séduisants. Elle avait un regard félin brûlant comme deux astres dorés, une bouche délicate aux couleurs gourmandes et ses cheveux n'étaient autre que des fils d'argent.

" Vous voilà donc satisfait Sardonis Corvus. Voyez... il n'y avait pas de quoi se précipiter à observer un visage comme le mien. "

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Il resta un moment inexpressif, détaillant le visage de Jézabel sans rien dire, une brève lueur passa dans ses yeux avant de disparaître aussitôt. Il se demandait pour quelles raisons la démone avait dit qu’il n’y avait pas de quoi se hâter pour voir un tel visage, car ses traits recelaient une certaine beauté qui ne le laissait pas insensible. On avait beau être un démon, on savait voir où était la beauté et cela même si on donnait l’impression d’être cruel et dépourvu de sensibilité. Il réfléchit un moment à certaines paroles qu’avait prononcées la demoiselle, elle semblait vouloir démonter chacune de ses politesses et ses tentatives de se montrer courtois, mais où allait le monde ?

- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous cachiez un si beau visage… Il y a plus d’une mortelle qui serait près à vendre son âme pour avoir de tels traits… Mais je m’égare sans doute dans des phrases visant à vous flatter…

Il songeait, qu’à vrai dire, il n’avait pas choisi que la contrepartie pour qu’il réintègre les Terres Oubliées soit de devenir un seigneur démoniaque et plus il y repensait, et plus l’idée lui semblait absurde mais pas impossible à accomplir. Il en était capable, cela était sûr mais il lui faudrait s’y atteler sérieusement plutôt que de mener la vie d’un démon errant sans but apparent si ce n’est de terrifier les bonnes gens et s’en prendre aux malandrins.

Il était sans doute devenu le démon le plus étrange de sa génération mais peu lui importait, l’originalité était une force, on ne pouvait pas bâtir quelque chose de grand en étant comme tout le monde. Un sourire vint orner son visage tandis qu’il s’asseyait par terre, le dos appuyé contre le tronc d’un arbre. Il fixait maintenant de nouveau Jézabel tout en gardant une expression de malice et de profonde filouterie.

- Oh, vous savez… Nos comparses seraient encore plus en rogne après moi si ils apprenaient ce que je suis devenu… Un sujet de conte pour les enfants et une sorte de macabre justicier pour la populace… Je suis une légende vivante pour le peuple…

Il fit craquer les articulations de ses épaules tout en effectuant des mouvement visant à les détendre, il avait besoin d’un peu de repos, une petite heure avant de reprendre la route, juste de quoi tenir une bonne conversation avec la demoiselle. Il ferma un moment les rubis étincelants qui lui servaient d’yeux avant de les rouvrir, animé par une curiosité nouvelle.

- A votre avis, comment devrais-je m’y prendre pour acquérir de la puissance ? J’ai beau combattre les brigands qui peuplent les routes des différents royaumes, il n’y en a aucun pour le moment qui m’a donné du fil à retordre, j’en viens souvent à les attaquer tous en même temps pour en tirer quelques satisfactions mais cela n’améliore en aucun cas mon style…

Il avait posé cette question sur le ton de la conversation, il montrait ainsi qu’il n’était pas qu’un simple rêveur qui visait trop haut pour lui. Il avait de l’ambition, il ne voulait plus être à la merci de ces sorciers, humains de surcroît, qui croyaient pouvoir commander les démons sans rien donner en échange. Il passa sa main dans ses longs cheveux d’un noir d’ébène afin de les arranger un peu puis il laissa retomber son bras le long de son corps.

- Ah, est-ce que vous seriez capable de me croire… Si je vous disais que mine de rien, je me suis attaché aux êtres qui peuplent ces terres ? On ne peut pas vivre éloigné de son espèce sans changer un peu… Je me demande si je ne devrais pas tenter de passer un marché avec quelque personnage influent afin d’acquérir une position confortable… Il y aura toujours quelqu’un qui pourrait avoir besoin des services d’un démon de mon acabit…

Sur cette dernière pensée, plutôt insolite, que le démon arrêta de parler.

Jézabel n'eut aucune réaction aux paroles qui se voulaient une nouvelle fois flatteuse à son encontre. Pourquoi? Toute femme se devrait de se sentir immensément heureuse que la puisse la trouver belle et désirable non? Comme quoi, les valeurs esthétiques n'étaient pas vécus de la même façon selon les races, ou simplement selon les individus. La beauté? Aux yeux d'une femme du tempérament de la démone, c'était une arme redoutable, une apparence, une illusion qui pouvait devenir fade avec le temps, puis disparaître... Heureusement pour elle, elle était munie d'une vie longue et elle pourrait le conserver encore pendant longtemps, ce joli masque délicat. Néanmoins, elle savait pertinemment la chance qu'elle avait, il aurait été relativement difficile d'avancer convenablement dans la vie avec un fasciés disgracieux, surtout lorsque l'on était d'essence démoniaque.

Ce fut alors que pour la première fois, Sardonis put voir clairement les yeux de la jeune femme se poser sur lui, fixement, sans sourciller. Son regard était implacable, neutre et froid, restant de marbre face aux sourires que celui-ci lui envoyaient de temps à autre. Cependant, il prit généreusement le temps de lui répondre alors qu'elle aurait pu aisément s'en abstenir, une forme de politesse si l'on pouvait voir les choses ainsi.

" Derrière toute beauté, il y a un malheur qui se cache. Libre à ses âmes damnées de la souhaiter, mais elles ne savent pas ce qu'il en coûte. La beauté est un facteur utile pour tromper... "

Mais ce fut alors que le démon déclara alors haut et fort ce qu'il était advenu de par son exil. Une légende? Un conte? Voilà bien quelque chose de paradoxal quand on était de cette race. Généralement, les démons n'étaient des héros, mais des ogres, des monstres sanguinaires, les méchants sans faille de l'histoire... chose compréhensibles quand on savait ce dont ils étaient capables, de leurs mœurs et leur goût pour la rage et les combats. Cependant, Jézabel avait toujours pensé que c'était une injustice de les accabler ainsi. Certes, ils n'étaient pas des anges, mais leur nature faisait d'eux des prédateurs. On pardonnait bien aux animaux menaçants leur esprit primitif, mais sous prétexte qu'ils possédaient un semblant de volonté, on ne pouvait pas leur pardonnez leur nature profonde. Et bien soit...

En tout cas, la seule chose que la jeune femme aux cheveux cendrés pouvait constater, c'était que son compatriote était un homme plein de vanité pour ainsi affirmer qu'il était une légende vivante ou même un héros. N'était-ce pas un terme que seul le peuple pouvait user? Après tout, un héros n'était pas spécialement censé crier qu'il en était un également, jouant sur la modestie et seulement sur ses devoirs. Comme quoi les temps changeaient...

Jézabel s'abstint alors de tout commentaire à l'égard de Sardonis, elle ne voyait vraiment pas quoi pouvoir ajouter à autant de fabulation. Mais voilà que dans sa plus grande surprise, le démon demandait presque un conseil avisé à la jeune femme. Bien évidemment elle avait une réponse pour cela, une réponse largement préparée ou tout du moins, mûrement réfléchie. Qui était la personne qui pourrait dire effrontément qu'il n'avait jamais chercher à devenir plus fort? Personne.

Ce fut d'une voix calme et sereine, toujours de son visage aux doux traits délicats que Jézabel ouvrit la bouche. Elle fit preuve de ce que l'on pourrait appeler de sagesse, chose rare chez les individus de nos jours...

" Acquérir plus de puissance? il vous faudrait d'abord connaître l'essence même de la force. Sachez qu'elle n'est pas seulement dans notre bras et la pointe d'une épée... tout seul, vous ne pourrez jamais gagner toute la puissance que vous désirez, il vous faudra des soutiens, et pour cela, il faut faire marcher votre tête et les mots. Regardez.... les royaumes d'Erade en sont la preuve. Ils doivent leur puissance majoritairement aux gens pleins de harangue qui sont à leur tête, ainsi qu'aux nombres de leur troupe... Comprenez-vous ce que je souhaite vous dire? "

Après tout, Sardonis n'avait-il pas dit qu'il souhaitait être un seigneur? Cela lui demanderait toute la panoplie qui allait avec. Mais elle fut d'autant plus surprise par les dires que celui-ci allait prononcer par la suite. Etre loin des siens amenait à quelque changement... Et si c'était là qu'était la vérité? Si elle s'éloignait de ces terres natales, en reviendrait-elle transformer? Pourrait-elle modifier la malédiction qui était sienne puisque ce fut en terres oubliées qu'elle l'avait gagné?

En tout cas, ces paroles qui auraient pu paraître anodines amena Jézabel à s'interroger bien plus que les apparences le montraient.

" Vous vous êtes attachés aux êtres de ce royaume? C'est étonnant... vous seriez d'autant plus considérer comme un hérétique si on l'apprenait chez nous. Mais qu'importe, vous me semblez ambitieux, je suppose que quelque soit les terres sur lesquels vous voulez étendre votre propre domaine vous importe peu.... alors ce que pensent les autres démons..."

Le regard doré de la demoiselle s'était alors détourné de lui, les posant sur les eaux de la rivière qui ondulaient doucement, calmement... Cela avait un pouvoir relaxant et détendait la jeune femme. Elle semblait déjà avoir les pensées ailleurs...

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Il ferma les yeux, tout en écoutant les paroles de la jeune femme, peu lui importait de voir, du moment qu’il pouvait entendre, il était pleinement satisfait. Il tentait en même temps de percevoir clairement le bruit qui produisait le cours d’eau ainsi que les maigres indices sonores qui clamaient la présence d’animaux en ces lieux. Il porta la main à ses cheveux et tenta de les arranger un peu même si il savait qu’il serait décoiffé sous peu vu son tempérament. Il réfléchit mûrement à ce que venait de dire la démone, il aurait peut-être besoin d’un peuple pour devenir seigneur, d’hommes et de femmes capables de le soutenir et de se battre pour lui.

- Hum… Peut-être devrais-je d’abord commencer par trouver des gens prêts à se mettre sous mes ordres ? Ou du moins qui puissent m’être utiles… Il serait plaisant de mener une armée à la bataille… Surtout pour quelqu’un de mon acabit qui n’aime que les combats en solitaire…

Il rouvrit les yeux pour chercher son interlocutrice du regard et la trouve en train de contempler le cours d’eau, il ne s’en inquiétait point, il savait qu’il donnait l’impression d’être puéril et imbu de lui-même. Mais la vérité est qu’il avait besoin de l’attention des autres pour se sentir exister, il pensait que sans le regard des autres, il n’était rien. Et il avait soif aussi de la reconnaissance ainsi que de l’estime des siens mais cela n’avait pas pour but de flatter son ego mais de lui donner un peu conscience qu’il était quelqu’un.

- L’hérésie n’est un crime que pour les fanatiques… Et puis, pourquoi notre nature nous empêcherait-elle d’éprouver des sentiments ? Nous en sommes capables mais la morale démoniaque nous l’interdit, n’avons-nous pas le droit d’être libre de nos pensées et de ce que notre cœur éprouve ? Je pense que si je prononçais ces mots sur les terres oubliées, je finirais sûrement avec une lame plantée dans le corps mais bon… Qui sait si j’y retournerais un jour ?

Il souffla un bon coup, évacuant en même temps toutes les mauvaises pensées qui hantaient son esprit, il devait faire le vide dans sa tête, ne garder à l’esprit que le plus important et non le secondaire. Il passa sa langue sur ses lèvres puis ferma de nouveau les yeux, il se détendit puis laissa ses muscles au repos.

- Mais pour le moment, je pense que je vais tenter de voir si je ne peux pas circonvenir un personnage puissant d’un royaume quelconque, il y en aura au moins un pour être assez cupide et ambitieux pour me servir d’allié… Il suffira de trouver le bon… Et pour cela, je suis très doué…

Il se laissait bercer par le coulis de l’eau sans pour autant s’endormir, il était entre le sommeil et la veille.

Est-ce que Jézabel écoutait sincèrement ce que disait son interlocuteur? Peut-être... peut-être pas. Le fait que soudainement son attention soit retenue par les eaux pourraient y mettre quelques doutes, pourtant elle répondait toujours méticuleusement à tout ce qu'il disait. Pourquoi d'ailleurs? Ce qu'allait faire ce démon là ne l'intéressait pas le moins du monde, ses ambitions non plus car ce n'était en rien ses projets à elle. Mais peut-être que finalement la compagnie des siens lui avait manqué? Les démons? Peut-être que cela avait quelque chose de rassurant et de revigorant? Non... ce qui l'attirait, ou tout du moins ce qui la faisait resté ici près de Sardonis, n'était autre que la complexe dualité des coeurs démoniaques. Lui aussi semblait épris de sentiments d'après ses propos, serait-il maudit? Pourtant, Jézabel savait pertinemment que non... Cela signifiait donc que son malheur ne se concentrait pas seulement sur son état émotionnel? Que sa malédiction était due à autre chose? Voilà une bien étrange question... A quoi devait-elle faire face? Finalement, non... les démons ne lui manquaient en rien....

Sardonis avait continué à parler encore et encore, et elle n'avait pas répondu. Plus maintenant... elle était trop enclin à réfléchir à ce qu'elle devait faire, à ce qu'il attendait dans ce royaume qui se voulait neutre... Puis subitement, elle leva ses yeux dorés et félins sur son congénère, et comme si son silence n'avait jamais eu lieu, elle lui donna un nouveau conseil, ou plutôt une direction qui pourrait lui être utile dans ses noirs desseins.

" Mmmm... un personnage puissant.... vous devriez essayer du côté du Royaume de Rugilian... La famille royale est connue pour le tendance belliqueuse... vous pourriez sans mal vous faire une place et je ne pense pas que y voir un démon y fasse désordre. Si vous êtes aussi avide de combat que vous le dites, ils vous demanderont sans aucun doute de faire des choses peu scrupuleuses et donc vous amenez des ennemis intéressants sur un plateau d'argent. N'était-ce pas ce que vous vouliez également? "

Ce fut à ces instants que la belle démon conserva son mutisme à nouveau. Il semblerait qu'elle n'eut plus à ajouter. Puis énigmatiquement, elle rabattit à nouveau sa capuche sur son visage, couvrant alors ses traits délicats et féminins. Pourquoi cet obsession de ne pas être désireuse que l'on la voit? Etait-elle comme une Médusa dans les contes? Une gorgone dont il ne fallait pas voir la pâle figure sous peine d'être changer en statue? Pourtant, nul sort ne fut jeter sur Sardonis. Peut-être était-ce tout bêtement une habitude? Mais qu'importait...

Une fois qu'elle se cacha à nouveau, voilà qu'elle entama sa marche, longeant alors la rivière sans nom, sans dire mot. Ni de au revoir, ni de quoique se soit. Est-ce qu'elle partait véritablement? On ne pouvait pas dire que Jézabel était une grande bavarde et elle-même ne savait pas vraiment où elle allait, elle suivait tout simplement son intuition. Quelque chose d'intéressant pourrait sans doute lui arriver en route? La démone ne saurait dire. C'était son âme de baroudeuse qui la guidait maintenant. Mais alors qu'elle se trouvait à quelques mètres de son congénère, elle se stoppa brusquement, tournant légèrement la tête sur le côté, mais sans le regarder, simplement pour lui souffler quelques mots.

" Nos destins sont différents... mais je sais que démon devrait pouvoir choisir comme toutes les autres races sa destinée... suivez vos ambitions... moi je suis mon chemin... peut-être que nous aurons une nouvelle fois l'occasion de nous rencontrer, lorsque vous serez un seigneur respecté... "

Là, elle reprit sa route en silence, ne laissant alors distinguer seulement dans le vent les frottements du tissus de son manteau, ainsi que son parfum étrange. Il y avait encore tant à faire, tant à découvrir, tant à perdre...et tant à rattraper...