Nero Hiems
Nombre de messages : 21 Age : 30 Camp : Bénéfique Date d'inscription : 21/12/2009
| Sujet: Journal de Nero Hiems Dim 10 Jan - 16:34 | |
| Journal 10 janvier de l'An ** Les errances ne trouvent aucune fin, car leur ombre se dresse sous les ramures profondes, les lauriers, les secrets… Elles sont nuages. Elles se languissent dans le creux du cœur, s’oublient longuement en embrassant les feux qui y logent. Puis, les brasiers se sont finis, comme un mirage ; on ne sait jamais quand s’élèvent les craintes, quand s’érigent les pertes. Quand les visages s’enfuient.
« Ses traits quelquefois, Échappent à mes pensées, Et se laissent attirer Par le courant froid. »*** Ruines de BelgradeMes rêves puissants ont porté leurs fruits ! aurai-je soupiré à la face du monde, ce jour de brume. Et le monde aurait frémi à ma voix. Je l’aurai fait rougir sous le voile blanc, d’avoir accordé à son fantôme les heures de l’arrogance. Comme je l’aurai expirée, cette douce arrogance, aux embruns de la mer ! Mais la mer à tremblé, et m’a arraché la victoire ; l’a cachée. Les mains suantes, j’affermis une poigne de rapace sur la garde - la lame pâle se dressant au-dessus de ma tête - et frappai : le coup résonna avec mon cri étranglé. L’humidité de l’air avala l’écho puissant, ma respiration rauque ramena le silence, et la chaîne rompue (enfin !) gémit, gisante à mes pieds. Le cercueil de pierre, me laissait libre et conquérant sous la lumière trouble d’un jour hésitant, aux fenêtres de ces ruines. Ruines éplorées du Château de Belgrade que j’avais sorti de sa tristesse.
Mon épée rengainée, je poussai en soufflant et forçant le couvercle, et libérai à l’air lourd le cadavre effrité d’un grand et ancien seigneur, comme on me l’avait conté. Cependant que ses poussières voletaient autour de mes mains, je compris au touché glacé qui électrifia mes doigts, que ces armes de métal reposant à son côté, avaient noué des liens mortels. Mes murmures prièrent pour un salut dérobé, comme cette Épée. Je ne suis pas pilleur de tombe, disait mon regard à ce regard vide et rond. Je fixai le crâne, et avec une prétention mauvaise, pensai que moi, j’étais vivant. Car mon être brûlait, et mes mains étaient sales. Qu’importe. Cela n’est pas important. Je dévalai les quelques marches qui surélevaient la tombe, avançai entre les colonnes, les pas sauvages et le regard sombre. Roi d’une ruine ! comme je l’étais ! La considération sobre de ce crâne m’avait rappelé combien je me trompais, mais aussi combien j’étais dans le vrai. J’accrochai l’épée volée dans mon dos. Il m’attendait dans l’entrée, parcourant le plan daté de plusieurs décennies. Blas, David Blas, releva sur moi des yeux grands et larmoyants. C’est que dans ce regard, nous aurions pu y glisser de l’eau, une eau riche et puissante qui ronflait dans les tréfonds des terres. Son front fort était dévoilé sous des boucles blondes et sales. Sa peau pâle donnait à son visage, aux pommettes hautes et mâchoire forte, des couleurs solaires.
« - J’ai envisagé de visiter Belgrade, avant de rentrer. Qu’en dis-tu Hiems ? - J’ai l’épée. Et, je te suis. - J’ai entendu… Bien ! lança t-il en remettant le plan dans sa veste – son visage s’illumina. J’ai cru que tu allais me rappeler l’ordre de mission, et dire que le client ne sera pas content si on lui abîmait la marchandise. Mais ! tu es partant. - Avance ! » fis-je en souriant, et je le poussai dehors du caveau. Les portes défoncées par nous pendaient à leurs gonds sous la mousse verte et les sillons de la pluie.
La fragrance fraîche et profonde de cette averse du matin laissait son odeur comme une emprunte millénaire, et mon âme fille du soleil cruel, se déversait dans la lumière laiteuse au souvenir de cette pluie. Pluie qui au cœur est si lourde, pluie qui regorge les sources et inonde les plaines… |
|