Tout se brisait comme du verre, dans la panique des enchaînées, il n'y avait plus cette poussée de jeunesse indolente, mais plus ce côté sauveur et sauvé qui n'avait plus sa place dans l'espérance sondée à cet instant dans l'esprit d'Emmanuel. L'on demandait si tout était bon pour une deuxième fois et le démon se cramponnait à ses habilles qu'il n'avait pas encore arraché pour se rendre plus désirable qu'il ne l'était costumé, cherchant du regard la moindre lueur. Tout était-il perdu ? Il le crut un instant en tout cas, quand tout d'un coup, une voix s'éleva parmi tant d'autres :

"J'en offre deux-milles pièces de saphir."

La respiration d'Emmanuel se stoppa net. Deux milles pièces ? Le marchant lui même failli tomber dans les pommes si l'on ne l'avait pas retenu aussi tôt. Deux miles bon sang ! Il y avait en là de quoi vivre et même bien vivre d'ici à des dizaines d'années dans l'excès et la gourmandise sans limite ! Tournant sa tête, il vue un étrange homme.. attiré sexuellement ? Étrange, l'homme ne semblait pas tant être indépendant de ses actes... donner deux milles pièces en bourse sur une table semblait le torturer.. Comme si ce n'était pas son propre argent qu'il donnait et que voir une telle somme partir dans les poches d'un injuste esclavagiste, était en soit la plus horrible des inégalités de ce jour. Cela ne présageait rien de bon pour Emmanuel qui devenait paranoïaque.. Pourquoi ce machin en froufrou, entouré de trois zigotos en voulaient-ils au sort du démon ? Celui-ci ne chercha pas à comprendre. Descendant les marches, le marchant lui enleva les menottes de charbon glacées et Emmanuel sentit la liberté. Il vue le jeune homme raffiné lui sourire.. et au delà de l'expression que l'on aurait put qualifier de perverse,

Et ainsi tout ne fit qu'un tour dans les idées du démon. Reculant d'un pas ou deux, celui-ci s'inclina un instant, faisant une révérence exagérée tel le bon serviteur à son maître adoré avant de souffler dans le vide perfide

" Heureux de vous connaitre, encore plus de disparaître. " puis d'une prise de combat bien connu des démons, il réussit en momentané à voler la bourse pleine de pièces de saphir et jeter le marchand sur les gardes qui entouraient l'acheteur. Voleur et sans moral, Emmanuel sourit aux compagnons à qui il faussait compagnie justement avant de courir à toute vitesse à travers la place du marché. L'on entendait des "rattrapez le, rattrapez le ! " ou des " ô voleur, ô voleur " mais plus Emmanuel se perdait dans le labyrinthe de la ville, plus tout ces cris étaient loin et puis à Plénium, tout relevait du vol alors un de plus, un de moins.. ça n'alertait pas les passants qui voyait filer le démon dans l'ombre. Deux-milles pièces de saphir, Emmanuel les comptait puis les recomptait encore, jusqu'à n'en voir plus la distinction d'une pièce à l'autre à s'aveugler de toutes ces beautés qui rendaient riche le plus dépravé des hommes.

A ce moment, rien n'aurait put être mieux : Emmanuel détenait sa liberté, sa richesse, et il était aux portes des terres oubliées, ayant gagné de l'énergie et du temps de marche pour continuer son voyage jusqu'à Amlian.. où se trouvait la princesse Elys d'Amilian, le début du testament commençait par là, et Emmanuel avait déjà pris du retard sur le plan temporel que l'auteur du journal post mortel avait prévu. Il jubilait de sa fuite et du coup de maître à avoir fait faux bon à tous ces gens en quelques secondes à peine. La ruse l'ami était la seule arme contre la puissance qu'Emmanuel n'avait pas. Laissant le silence des quartiers asphyxier par ce brouillard dissipant les voleurs, chaque parcelle de vie, Emmanuel évaluait la suite du plan; vérifiant que personne ne le suivait, il sortit le journal puis l'ouvrit à une page marquée.

" Tu prendras la route de l'or, celle qui mène à Airian. A mon tombeau, tout se filera.." ... Bon sang, tant il aurait voulu lire les dernières pages mais pourtant la prémisse avait été clair.. Il devait lire au fur et à mesure qu'il avançait, histoire de respecter les volontés du trépassé d'une part mais surtout qu'il n'attrape pas peur en lisant la suite des événements. Refermant puis cachant le manuscrit, Emmanuel se mit assit au pied d'un mur où il ne serait pas repérable avec ces intempéries. Il devait se reposer un instant, reprendre son souffle, évaluer la situation, faire comme l'écrivain du journal.. prévoir avant d'agir. Tout d'un coup, l'atmosphère environnant devint plus lourd, une présence venait d'apparaître non loin. Un homme, Emmanuel en était persuadé, il ne savait qui, ni pourquoi mais il le sentait, tout allait changer et prendre un autre tournent, dure hasard que l'infortune.

Fermant les yeux un instant ou deux, Emmanuel s'imaginait les plaines d'Amilian comme l'écrivain du journal les avait décrit, la forêt des elfes, ces verdures et ces vagues de zénith qui envolent les coeurs des itinérants à l'âme légère, s'envoler dans la démesure de la beauté.. Un endroit édénique où tout mal est cendre et toute crainte, un vaste désespoir décimé. Il était risible de la part du démon souillé par le désastre de vouloir goûter au doux baiser du paradis, mais à connaitre Emmanuel, l'on comprendrait qu'il n'est en là rien d'étrange à vouloir voir le paradoxe à nos vies, à chasser l'ennui, autant valser avec l'impossible se disait-il un instant encore. Emporté dans ses songes, le démon imaginait les sombres envahisseurs des âmes vaillantes au combat des morales, et se demandait si dans la course effrénée, il n'était pas, le bon ? La course pour le bien.. La course contre l'ennuie.. Cet imbécile avait trouvé les mots justes pour convaincre Emmanuel de respecter scrupuleusement les dernières volontés du seigneur des rêves.. dans quoi s'était-il embarqué au final ? Dans bien des problèmes, des conflits et des impasses, mais aussi combien d'aventures qui feront de l'ennuie un bien las souvenir.

Puis soudain, comme tiré aussi sec de la brise la moins douce du continent, Emmanuel sentit le vent tourner, les choses changer et peut être même que Tzeentch se jouait de lui, qu'en savait-il au bout du compte ? La vie étant si changeante, si changeante..

"Une absence de considération tout à fait regrettable, envers celui qui vous a tiré des griffes de cette liberté volée...mais qu'espérer de plus de la part d'une personnalité vouée aux affres d'une réalité dégénérescente...et visiblement dénudée de toutes formes d'états d'âmes."

Entendit-il d'une voix glaciale et fantomatique. Se relevant brusquement, le démon fit face à son interlocuteur avec un léger sourire aux lèvres.

" Monsieur se voit-il destiné à une mission humanitaire ? Éradiquer l'égoïsme et le mal terrestre ? Monsieur est bien sot. Mais je me vois désolé de vous l'annoncer mais vous n'êtes pas le premier à m'annoncer que c'est pas bien d'être méchant et que c'est bien mieux d'être un gentil ! " soufflait-il sans un léger ton moqueur, la nomination de monsieur étant bien entendu pour critiquer ce discours moraliste et presque stupide. Il était vrai qu'Emmanuel ne se laissait pas impressionné par les grands discours énoncés de ceux qui parlent plus que ce qu'ils ne comprennent vraiment de la vie et des problèmes du monde mais ce qui l'énervait surtout, c'était ces retranchements de morales tel que "la guerre c'est mal" ou " La paix et l'amour, c'est bien ! "

" Ah Messire, quel manque cruel de culture et de fondements partagés, n'êtes-vous jamais sorti de chez vous ? Avez-vous connu misère et famine ? Avez-vous due voler pour vous nourrir et vous battre pour survivre ? Que savez-vous des tristes horizons des mendiants... il semblerait que votre manque cruel d'empathie envers quelqu'un d'autre que votre personne fait de vous à moi, la personne la plus.. comment l'avez-vous dit ? Ah oui, dénudé de toute forme d'état d'âme. " crachait-il comme du venin de ses crocs acérés, tournant autour de l'étranger qui semblait l'aborder sans raison, chose qu'Emmanuel qualifiait d'appel sournois à la méfiance. Le sac ? Il était vide.. Tristement et vainement vide. Jetant la sacoche sur lui, il continuait à dévisager l'inconnu et trés vite, il fut gagné d'une gêne incompréhensible; comme si, plus chaque instant passait, plus il trouvait dans le regard du sorcier une bien saisissante flamme qui brûlait des silences incandescents et des souffrances de glace. Très vite cependant, l'homme reprit ses esprits ainsi que ses hostilités

" Allez-vous en maintenant ! Je n'ai rien à vous donner et vous n'avez rien à m'offrir ! Qu'est ce que vous me voulez bon sang ! Vous m'avez tout de même.. Libéré.. " disait-il doucement et hésitant, car n'est jamais sûre que l'homme mort qu'il ne mourra jamais plus. Il fallait l'avouer, il était juste de le remercier de l'avoir libéré, seulement il n'était pas des coutumes d'Emmanuel de remercier qui que ce soit, profitant du devoir comme d'une faiblesse, lui détestant montrer un quelconque signe de faiblesse. Il ne pouvait pas plier, il l'avait juré au prince des rêves de son journal, il ne devrait jamais faiblir ni même se faire influencer, droit à son but.. Droit.. droit.. Droit..