" Bordel que ça fait mal! ", ce fut la première pensée plus ou moins cohérente qui traversa l'esprit encore embrumé de la Malarian. Elle sentait que les soldats la prenaient sans trop de scrupules par un bras chacun pour la transporter jusque dans sa cellule... mais elle se sentait trop faible pour faire quoi que ce soit... Déjà rien que le fait de tenter de faire usage de son cerveau lui rappelait douloureusement le résultat de sa balourdise. Elle qui était si maladroite avait bien choisi son moment ! Il fallait dire aussi que les miliciens l'avaient attaquée en masse dans cette taverne, ce qui avait conduit à cette malheureuse chute qui lui avait fait perdre connaissance. Enfin peu importait maintenant si la cause était son manque de chance ou bien l'insistance farouche de ses ennemis, de toute façon le résultat était le même. Elle était étendue à terre, face contre le sol froid de cette minuscule geôle puante et vétuste. Visiblement on dirait que son frère avait des ordres afin qu'on ne l'ennuie pas, puisque à part les habituels traitements violents de rigueur dans n'importe quelle prison, elle n'avait pas énormément souffert. De toute façon son corps était resté inanimé jusqu'il y a peu, ce qui fait que malgré la douleur à sa tête et à son visage ensanglanté, la demoiselle se portait relativement bien... aussi bien qu'il était possible de se sentir lorsque l'on vient de se faire rouler et trahir par son frère. Se retrouver en prison n'était pas dans l'absolu quelque chose qui lui fasse peur, car elle savait bien qu'elle pouvait toujours trouver un moyen de s'échapper, bien que cela soit grandement dépendant des forces qu'elle devait reprendre. Ceci dit quelque chose l'ennuyait bien plus... Comment ferait-elle pour reprendre ses affaires? On lui avait bien entendu confisqué son épée et son sac... Ne restait plus que les griffes bien que ce soit largement suffisant. Sparda ne connaissait pas l'existence d'un tel outil puisqu'il ignorait son passé dans les dernières années, ce qui l'arrangeait plutôt bien. Il lui suffirait d'égorger le prochain garde l'approchant et lui piquer les clés !

Essayant péniblement de se redresser la demoiselle devait retrouver sa dignité,... finalement elle s'assit pour avoir le moins de contact possible avec le marbre empli de crasse. Portant ses mains aux plaies ouvertes sur son visage, elle constata que les gardes n'y étaient pas allés de main morte. Jurant dans une attitude fort peu féminine, elle retrouvait sa lucidité petit à petit. C'était déjà une chance qu'il ne lui soit rien arrivé de fâcheux durant son état semi-comateux, mais elle soupçonnait fortement que sa relative sauvegarde était l'œuvre de son frère aîné. Seulement dommage de se dire que cette préservation n'avait rien de chevaleresque ou de bienveillant... au fond c'était à s'en demander si il ne lui réservait pas quelque chose d'encore pire.
Paradoxalement maintenant que le calme régnait en maître, Luhiel avait entamé le long assemblage des pièces du puzzle. Sparda avait donné des directives lorsqu'ils étaient dans cette taverne, il avait donné le signal d'attaque, ce qui supposait que d'une manière ou d'une autre il était parvenu à se hisser dans les hautes sphères hiérarchiques. Après le nombre conséquent d'années à servir l'armée, c'était normal... Mais ce qui l'embêtait c'est que tout cela ne faciliterait en rien sa vie et sa survie au Rugilian. Entendant alors des voix dans le couloir qui pourtant lui sonnèrent à la fois très proches à cause de ses sens décuplés, et très lointains à cause de la migraine qui lui tortillait sadiquement les neurones, la Malarian s'adossa juste à un mur alors qu'elle essayait d'oublier sa claustrophobie.

Fort peu pratique lorsque l'on était ainsi enfermé dans une pièce minuscule avec 4 grands murs humides, avec une seule petite fenêtre à barreaux. Les yeux fermés et un coude posé sur un genou qu'elle avait ramené contre elle, la valkyrie donnait une impression de lassitude profonde. Pas étonnant quand on savait pour quelles raisons elle était là, mais au final quelle importance... ce n'était pas le comportement de son frère ni cette mise en garde à vue injustifiée qui allait la dissuader de s'en aller rapidement. En fait il s'agissait juste de reprendre un minimum de forces et laisser sa tête meurtrie refroidir. Réfléchir en cet état revenait un peu à risquer le court circuit à tout instant, et ce serait bien déplorable de se mettre dans cet état là.
Heureusement (ou pas) l'arrivée d'une autre recluse la réveilla de sa torpeur, tout en se disant que l'insulte de "catin" devait être une insulte en vogue dans les casernes du royaume... décidément, deux fois en si peu de temps... oui cela ne pouvait être que ça, les soldats ici trouvaient un charme indescriptible au fait de dénigrer toutes les femmes qui avaient le malheur de leur passer sous les yeux. Irritée par toute cette situation, elle répondit donc au garde qui s'en allait déjà en refermant la lourde porte.

- Quand on en a aussi peu dans le pantalon que dans la tête, on apprend vite à fermer sa gueule. Mais apparemment on dirait bien que cet imbécile de Sparda a oublié de vous l'apprendre.

Oui c'était une provocation et oui c'était dangereux, mais au moins si il voulait régler ses comptes il devrait rentrer pour la frapper, ce qui lui donnerait une occasion en or de le rosser comme il le méritait... Autant dire qu'une erreur aussi grossière lui coûterait certainement la tête, mais de toute façon c'était loin d'être la chose qui occupait le plus sa conscience déjà fort peu atteinte par ce genre de futilités. Ne regardant pas trop la femme qui était arrivée en faisant un peu de grabuge, elle semblait immergée dans ses pensées et ses théories parfois vaseuses afin de sortir de là... sans parler du fait qu'elle doive également vérifier que Maugan n'était pas dans les prisons masculines également. Certes c'était pour le moins emmerdant, mais de toute façon si il fallait tuer chaque homme sur son chemin, elle le faisait. Quitte à être considérée comme une criminelle, autant qu'il y ait une vraie raison !

Quoi qu'il en soit, une remarque prétendument anodine de la nouvelle arrivée lui fit hausser un sourcil dubitatif. De quoi parlait-elle? Était-ce une étrange substance qui lui avait atteint la cervelle pour la faire divaguer ainsi? Enfin en parlant de cervelle, il était loin d'être certain que la sienne ait assimilé tous les éléments, ce qui la conduisait peut être à complètement se méprendre sur ce qu'elle lui disait... Aïe... portant une main à ses tempes elle grimaça copieusement. Pourtant, et ce bien malgré elle... les mots de l'inconnue faisaient leur petit bonhomme de chemin, même si elles semblaient avoir emprunté un long dédale. Serait-ce possible que...? Non tout de même pas...! Se levant donc avec un air suspicieux, elle se dirigea vers elle en boitant, la démarche peu assurée. Les yeux rivés sur son visage firent un rapide aller retour de haut en bas, inspectant les détours gracieux de sa silhouette. Pourtant les paroles qui franchirent ses lèvres furent tout sauf philosophiques... mais elle n'exerçait aucun contrôle sur ses actes, qui étaient plus machinaux qu'autre chose... et qui plus est, dépourvus de la retenue qu'imposait la raison et l'inhibition !

- Hum... Acteur??? Nan j'en connais qu'un mais ce n'est pas possible... Gné...? Il m'aurait leurrée moi aussi !! Ce sont pas des vrais quand même ?!?

Ainsi comme elle tenait à activement vérifier empiriquement la réalité de ce qu'elle était en train de voir, elle tendit naïvement l'index d'une de ses mains qui appuya doucement un des seins de la demoiselle lui faisait face. Oui c'était con, oui c'était lubrique, mais le pire était sans nul doute que c'était innocent. Elle se rendrait compte plus tard lorsqu'elle aurait la tête froide que tout ceci n'était qu'une honteuse conséquence du peu d'emprise de son sens commun sur ses envies un peu étranges... mais pour l'instant quelque chose de plus urgent la titillait. Comment allait réagir cette demoiselle/seau à son geste irréfléchi??? Se rendant à peine compte de l'horreur de son geste, elle resta béatement à la regarder dans les yeux, alors que ses jambes meurtries la soutenaient à peine.

Oui il est vrai que la Malarian en avait pris pour son grade physiquement, mais de toute façon cela passerait bien assez vite. Elle avait eu le meilleur des entraînements concernant les mises à tabac, que ce soit avant comme après son séjour à la citadelle Mannam. Se relever cette fois-ci ne serait qu'une simple formalité, mais il est vrai qu'elle aurait besoin d'une petite heure avant de reprendre ses esprits. De toute façon il serait idiot de se précipiter au cœur de l'action alors qu'elle était encore fortement handicapée par sa semi-lucidité. Luhiel avait beau être téméraire, elle n'était pas encore suicidaire, bien que ce soit son sobriquet parmi ses frères d'armes. Pourtant en parlant d'initiatives périlleuses, ce qu'elle avait osé faire à cette autre forme de Maugan était... très con. Fort heureusement on put dire que la demoiselle prit les choses avec philosophie, et même un certain entrain décomplexé que la guerrière ne comprenait pas vraiment. La voyant malgré elle prendre sa main pour... une inspection approfondie, elle la vit faire abasourdie et n'eut même pas la présence d'esprit de reculer. Trop interloquée pour faire quoi que ce soit, elle resta là à la regarder... jusqu'à ce que l'information monte un tant soit peu au cerveau et la fasse devenir rouge comme un champ de coquelicots en pleine saison estivale. Balbutiant des excuses, elle tentait d'agencer ses pensées de façon à ce que cela ait un sens...

- Je... Merde je suis désolée je voulais pas être inconvenante. Je ne savais pas que ce n'était pas un déguisement, j'ai cru... Bon peu importe. Et puis je ne suis pas sûre que le fait d'avoir été originale dans ma réaction soit si bien que ça. Pfiiiou... il va me falloir un certain temps avant que je m'y fasse!

Posant une main à plat sur un mur tout en regrettant déjà son geste à cause de la suie qui s'imprégna sur sa peau, Luhiel se laissa tomber assise sur l'une des paillasses, emplie d'une lassitude lui pesant tel un invisible fardeau. Il fallait échafauder un plan d'évasion posément mais sans trop traîner, car la nuit les gardes se relayaient et devaient certainement être par paires afin de ne pas se faire surprendre. Il était également probable que son frère ait renforcé les mesures de sécurité pour s'assurer qu'elle ne partirait pas en usant de moyens peut être moins évidents à première vue... Quelques uns lui trottaient déjà dans la tête, mais pour l'instant rien de bien exploitable. Disons qu'elle était un peu à cours de solutions miracle étant donné l'état de son cerveau semblant atrophié. Pourtant elle fut étonnée de voir que Maugan lui dévoilait une partie de qui il était. C'était étrange qu'ils en viennent là maintenant alors que quelques moments avant ils jouaient la carte de la prudence méfiante... mais soit, de toute façon nécessité faisait loi et cette fois-ci ne faisait pas exception.

- Je pense que quelques moments de repos ne me feraient pas de mal, de toute façon je suis fatiguée... rien de bien grave j'ai l'habitude des coups ce ne sont pas deux ou trois coupures qui vont m'arrêter. Sauf que pour être efficace je ne pourrai pas me battre pour l'instant. Peu m'importe le plan en vérité, l'essentiel est qu'on se barre d'ici, je ne supporte pas d'être enfermée !

Il est vrai que les solutions lui allaient l'une comme l'autre, le tout était juste de voir laquelle serait plus propice en fonction de l'évolution de la situation. Jouer les mourantes ne lui poserait pas problème tant que ça les faisait partir de cet endroit sordide ou plusieurs détenues s'amusaient à faire du bruit sur les grilles pour on ne sait quelle raison. D'ailleurs ce raffut infernal lui donna une idée, toute aussi efficace que celles proposées, mais encore plus simpliste. Dans le pire des cas, si vraiment c'était la sortie de la cellule qui posait problème, elle pourrait toujours scier les grilles grâce à ses griffes. C'était aussi l'avantage d'avoir des alliages dans un étrange métal incassable... Cependant ce serait une sortie en grande pompe et surtout faisant un vacarme d'enfer, ce qui risquait d'alerter plus de soldats qu'elles ne pouvaient vaincre en l'état actuel des choses... S'en était presque drôle quand on y pensait bien... Elles avaient discuté politique il y a peu, et maintenant les voilà derrières le barreaux comme des malpropres. Étrange surtout quand on savait que les raisons premières de cela n'étaient pas les raisons de censure, mais simplement des griefs personnels, familiaux plus précisément. En y repensant c'était incompréhensible pour elle que Sparda ait tenu a aussi s'en prendre à Maugan... D'ailleurs les nouvelles étaient mauvaises... pire que ça encore, même.

- Caym est avec lui j'aurais du m'en douter... mais tous les deux généraux? Merde... Ouais ça m'étonne pas qu'il soit moins aimé, il est trop autoritaire alors que Caym est plus subtile... et plus faux cul aussi. Il avait toujours le don de nous laisser les punitions les plus sévères, toujours l'air de rien... le pire étant que Sparda n'a jamais jugé bon de réaliser que sa façon de faire était opportuniste. Enfin trêve d'histoires familiales qui de toute façon ne t'intéressent pas... Ce n'est pas grave tu ne pouvais pas savoir et de toute façon tu n'avais pas reconnu mon frère puisqu'il est venu encapuchonné... alors cela ne change rien de regretter quoi que ce soit! Si tu veux bien nous allons juste attendre que les gardes se passent le relais, en général ils perdent toujours du temps à papoter... Si jamais jusque là aucun changement ne se présente, j'ai toujours un plan de secours qui marchera à tous les coups. Je suis sûre que si on met leurs hormones en fusion, ils seront soudainement plus dociles...

C'est certain que c'était loin d'être sa méthode préférée, mais de toute façon elle était trop faible pour essayer de passer par la force... Et puis peut être que comme elle le pensait, un petit show érotique entre femmes serait suffisant pour faire baisser la méfiance de ces larbins...

Si il est certain que la réaction de la Malarian n'était pas la plus conventionnelle, on ne pouvait pas dire pour autant qu'elle ait vraiment fait preuve d'intolérance... et pour cause, on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle sache ce dont il était question. Cela ne voulait pas dire pour autant que les questions n'allaient pas bon train dans sa tête, car jamais elle n'avait connu de personne capable de changer d'apparence de la sorte, qui plus est en changeant instantanément de sexe de manière aussi convaincante. Ceci dit elle essayait de gérer l'ordre de ses priorités, et le plus urgent n'était pas de savoir à quelle caste ou race appartenait Maugan. Bien sûr la curiosité bien assez vite le dessus, et elle lui poserait la question franchement, mais pour l'instant elle doutait que ce soit le moment le plus propice. Toujours un peu gênée par ce qui s'était passée, la demoiselle avait encore un peu de mal à réaliser ce qu'elle avait fait et pourquoi, étant donné que tout cela n'était guère dans sa panoplie de comportements habituels. Elle si solitaire et réservée avait l'espace d'un instant été lubrique et irréfléchie... ce qui par chance n'avait pas été encore plus catastrophique. Enfin disons que tant que l'apparence de Maugan était féminine au moins cela serait moins problématique et soulèverait moins de problématiques philosophiques internes... Au moins elle repenserait moins à un aigrefin aux cheveux d'argent qui... Non, non, non. Stop! Il ne fallait pas que ça recommence, pas maintenant. Tentant de se concentrer sur les paroles de cette sulfureuse compagne, Luhiel lui répondit:

- Je suis peut être amochée, mais je suis pas encore un boulet. Je pourrai très bien me débrouiller, je ne suis pas aux portes de la mort ! Et puis pour la liberté... je ne m'en fais pas. Un animal sauvage n'est pas fait pour rester enfermé bien longtemps. Soit il arrive à s'échapper, soit il meurt en sombrant dans sa folie. Comme je ne compte pas crever de si tôt pour ne pas faire cet immense plaisir à mes... putain de pédants de frères, on s'en sortira. Même si pour ça je dois couper la tête du roi. D'ailleurs même par plaisir je l'aurais fait, tiens.

Oui elle était exaltée, et surtout elle se retranchait dans la fierté guerrière et la colère pour ne pas céder à la panique causée par sa claustrophobie. C'était comme des fragiles tranchées temporaires et mal défendues, mais les seuls remparts entre la raison et les réactions incontrôlables... Certes c'est un fait qu'elle semble statique et qu'elle ne se plaignait pas de ses blessures, mais ses yeux azurs parcouraient l'étendue des murs nus avec appréhension, un peu comme si elle craignait que d'étranges créatures n'en sortent pour les dévorer... Mais en fait elle avait plutôt l'impression que l'espace déjà exigu se raccourcissait encore. Étant donné qu'elle n'avait rien ici qui puisse lui apporter une certaine stabilité ou un réconfort moral, c'était difficile de continuer à faire comme si rien ne se passait. Pourtant elle gardait le silence sur le sujet, de peur que l'expliquer ne soit un déclencheur à une potentielle aggravation... mieux valait ne pas prendre de risques à ce niveau, surtout qu'elle risquait fortement d'avoir des accès de brutalité penchant vers le berserk dans ces conditions. Toujours dans un effort pour rester calme, Luhiel répliqua, la mâchoire crispée:

- Intéressant je suppose que ça dépend pour qui... Il est certain que si il faut des informations pour les mettre à mal, je dois en disposer d'un bon nombre, bien que je doive dire qu'elles sont toujours un peu mal actualisées étant donné le nombre d'années qui nous séparent de la dernière fois que je les ai croisés. Cela fait plus de dix ans maintenant... je n'étais qu'une enfant et eux des adolescents partant à la guerre. - un peu de mélancolie perçait dans sa voix.
Je dois dire que plus le temps passe, plus mes scrupules me quittent concernant les méthodes utilisées pour sortir d'ici. J'aurai tué chaque prisonnier dans ces cachots si il le fallait...

Dans un mélange de regret concernant le passé et le manque de relations amicales qu'elle avait eu de tous temps avec ses frères, Luhiel se redressa un peu, s'étirant doucement afin d'épargner ses plaies... Il fallait qu'elles fassent quelque chose, parce qu'elle ne tiendrait pas longtemps à ce rythme. Toute la noirceur opaque des murs de pierre l'oppressaient et le manque d'air pur l'angoissait. Depuis toujours habituée aux grands espaces, elle avait du mal à vivre cette incarcération. Même les cours de la citadelle Mannam étaient à ciel ouvert, alors bien qu'elle ait longtemps demeuré là bas jamais elle ne s'était sentie prisonnière...

- Oh cela lui fera les pieds, de toute façon quoi que vous ayez pu dépenser en son nom cela ne sera jamais assez pour trouer ses coffres sans fond. Et puis il n'y a rien de mieux que d'être à son propre compte au moins on ne doit pas faire de rapports et faire semblant de s'intéresser aux recommandations et autres procédures superflues d'usage. Pour vous répondre, non nous ne pouvons pas nous faire virer mais il est techniquement possible d'être renié par l'ordre si les actes perpétrés sont suffisamment graves. Mais à ma connaissance il n'y a pas de vrai cas de ce genre, sauf pour ceux qui ont trahi la fratrie pour joindre les forces obscures. Pour eux la peine de mort est la sentence, mais de toute façon leurs frères d'armes trahis se feront un plaisir d'expier leurs fautes de leurs propres griffes.

Se levant donc à nouveau afin de ne pas perdre la mobilité de ses membres encore douloureux et ankylosés, la guerrière s'approcha du grillage et risqua une œillade en dehors. Les mains pâles s'accrochant au métal, elle avait vraiment quelque chose de félin... comme une lionne en cage et c'était bien le cas de le dire. Un cliquetis métallique se fit alors entendre, annonçant l'arrivée d'un autre garde venu substituer l'un des deux déjà présents. Il avait l'air d'un jeunot pas si vilain, mais au final ce n'était qu'un petit bleu débutant... bien ce n'était pas plus mal. Le petit nouveau avait les hormones en effervescence surtout en sachant que les soldats étaient privés de compagnie féminine étant donné leurs assignations aux diverses casernes et camps. Regardant alors distinctement les hommes papoter tranquillement grâce à l'acuité de ses sens, elle murmura à voix basse vers Maugan afin de ne pas se faire entendre.

- C'est le plus vieux qui a les clés... mais je ne suis même pas sûre qu'elles ouvrent toutes les cellules... Faut attirer l'attention... Mais on fait quoi? Des bruits bizarrement suggestifs suffiront à les attirer vous croyez?

Elle disait ça plus par humour et non sérieusement, mais au final c'était une solution à la fois délurée et sûrement bigrement efficace. Regardant vers l'assassin, elle se noya dans ses prunelles aux couleurs étranges... que pouvait-il bien s'y cacher? Fascinée sans pour autant l'avouer, il y avait chez elle quelque chose d'inexpliqué qui la rebutait et l'attirait à la fois... c'était comme si elle était son exact opposé. Mais ne dit-on pas que les opposés s'attirent?

Luhiel se posait plein de questions en ce moment, concernant la nature de cet étrange acteur capable de changer d'apparence et de sexe... Que faire? Commencer à interroger l'hermaphrodite aux risques de se mettre en danger bêtement...? Ou bien attendre d'au moins sortir d'ici et ne pas tout de suite se donner des raisons potentielles de le/la tuer en découvrant une vérité indésirable. Ce serait fort regrettable car quelque chose l'attirait intensément dans les prunelles chargées de secrets de Maugan, mais au final elle ne se l'expliquait pas vraiment. Était-elle en train de devenir folle suite à ce trouble causé par la claustrophobie ou bien n'était-ce qu'un leurre à quelque chose d'autre pire encore? Et puis ces habits émeraude à moitié déchirés... on aurait juré qu'elle s'était faite agresser quelque part... Ou qu'elle aimait attirer des proies séduites dans ces filets. Cependant malgré les innombrables questions qui lui assaillaient le cerveau, ce dernier semblait surcharger périlleusement, ce qui la conduisait à séparer drastiquement ses actes et paroles de ses pensées.

En tant que Malarian elle ne pouvait tout simplement pas laisser ce roi continuer à semer la terreur impunément, et aider les nombreux habitants était non seulement une mission comme un devoir. Voir la misère du peuple se trainant péniblement dans ces terres arides et inhospitalières, poussiéreuses à souhait lui avait remué les tripes. Son sens aigu de la Justice lui avait crié de mettre un terme à tout cela, ou au moins dans une moindre mesure d'aider tous ceux qu'elle pourrait. Assister à la répression d'un groupe d'acteurs errants et satyriques juste par censure était pour elle inconcevable, car le droit à la vie et à l'a libre expression faisait pour elle partie des droits les plus essentiels. Toute la sainte journée elle avait vu les Rugilians se méfier de tous les étrangers, se regarder avec méfiance, et aussi et surtout être sans cesse victimes des incessants pickpockets allant et venant sans que personne n'ait le courage ou la capacité pour les arrêter. Ou bordel était la Justice et la milice de ce royaume décadent???

- Oui je vois... mais si vous cherchez des employeurs, peut être que plus tard je pourrais vous aider dans ce sens... cependant pour le moment je pense qu'on a plus urgent à faire.
Les traîtres sont toujours les plus lâches oui, mais aussi les plus faciles à écraser sous nos talons.

C'était ironique pour la demoiselle de constater la confidence et intimité plus ou moins forcées dans lesquelles elles se retrouvaient précipitamment... Ce n'était pas totalement pour lui déplaire, et peut être que dans un sens cette forme féminine tirait moins la sonnette d'alarme dans sa tête. Toutefois elle était encore loin de lui faire complètement confiance car quelque chose en elle transpirait l'ambiguïté et un mystère trop opaque pour être naturel. Pour l'instant de toute façon il est vrai qu'elles n'auraient toutes les deux pas le choix, elles ne pourraient faire l'une sans l'autre car leur évasion serait difficile et leurs projets régicides encore plus. Cependant celle qui avait le plus à perdre à l'heure actuelle était Maugan, car au final si elle avait deux formes, il y aurait bien quelqu'un pour la reconnaître, en l'une comme l'autre... Rugilian était quand même grand... Alors que Luhiel était incognito ou presque... seuls ses frères pourraient la vendre, mais en même temps ils se jetteraient par là même la méfiance de tous les nobles de la cour et de leur roi si jamais il venait à survivre par miracle.

Il leur faudrait pas mal de culot pour risquer une entreprise aussi hasardeuse et ambitieuse, mais paradoxalement elle ne doutait pas trop de ce que pouvait valoir Maugan là dessus. Il avait ce je ne sais quoi d'impertinent et provocateur qui elle devait l'avouer, l'enchantait... Pourquoi? C'était une bonne question à laquelle elle n'avait pas de réponse toute faite. Il était culotté, et la preuve en était la méthode rusée qu'il avait utilisée pour changer de cellule et la rejoindre. Oui il était malin et inventif, il fallait lui rendre tribut pour ça... Enfin pourquoi il... maintenant c'était elle. Bref... Maugan ne semblait pas si rassuré et convaincu d'à quel point elle était prête à y mettre du sien pour être convaincante... ce qui se comprenait étant donné l'image coincée et trop sérieuse qu'avaient les Malarians... stupide stéréotype que Luhiel abhorrait, mais qu'elle ne pouvait défaire ainsi en un claquement de doigts. Néanmoins il était toujours permis de lui faire reconsidérer son jugement en lui démontrant à quel point elle avait tort ! Se sentant presque défiée et piquée au vif dans sa fierté, la demoiselle désinhibée par la nécessité sourit félinement tout en glissant doucement une main derrière sa nuque et sa jumelle sur la courbe de ses hanches, puis de la plaquer contre le grillage de leur geôle avec fermeté mais en prenant garde de ne pas la blesser. Un léger bruit métallique se fit entendre à cause du poids de leurs corps alors qu'elle lui murmura en retour.

- Bien... Je vous suivrai puisque vous semblez connaître tous les détours de ce château... et nous mettrons enfin fin à ce règne impie et sans mérite de ce roi fantôme qui ne fait que polluer la noblesse encore plus qu'elle ne l'est déjà. Unissons nous... caressons donc du bout des doigts... la liberté du peuple, faisons couler... le sang bleu de ce misérable, effleurons donc... les courbes de son pâle trône.

Sa dernière phrase était extrêmement graveleuse et propice à être interprétée de diverses manières, mais dans les prunelles azur on ne saurait dire si tout cela était dit en connaissance de cause, ou bien si c'était son inconscient perdu qui s'exprimait par ce biais. Leurs corps pourtant aux formes vertigineuses semblaient s'emboiter parfaitement, et doucement la main dans la nuque de l'Ombre se fit caressante avec un petit peu d'effet froid car Luhiel y appliquait son pouvoir. Juste de quoi procurer quelques frissons... et lui donner envie de rechercher un peu plus de chaleur, qui sait... Plongeant alors ses lèvres rosées sur la nuque délicate pour y déposer son souffle chaud, elle laissa leurs parfums se mêler en ce qui était le seul signe de féminité parmi ces murs austères... répondant doucement de sa voix étrangement douce:

- Est ce que... cela répond à votre question... Maugan?

Si tout à l'heure le moment était aux peurs, au réflexions et autres élucubrations aussi scabreuses qu'inutiles, maintenant c'était le temps de l'action et de la spontanéité improvisée. Maintenant que cette étrange machine était en marche il fallait de toute façon la conduire comme on pourrait, et la diriger un tant soit peu vers le but final... partir de là. C'est pourquoi oui les scrupules étaient l'espace de quelques moments rangés dans une boite scellée qui ne serait ré-ouverte que lorsque les circonstances s'y prêteraient davantage. Peut être que c'était la récente discussion inespérée avec son frère qui lui avait donné des ailes et un moteur plus fort encore de régler tout par la force de sa volonté (ainsi que de ses poings accessoirement mais juste à l'occasion)... Tout n'était affaire que de décisions dans la vie, et parfois il suffisait d'un rien... d'un seul petit courant d'air pour donner l'impulsion nécessaire au voilier pour quitter le port. C'était sûrement de ça dont elle avait besoin, de vivre à nouveau tout en cessant d'avoir cette impression indélébile de stagner. Ce marasme qu'était devenue sa vie devenait insupportable, ce qui lui faisait perdre toute l'intensité de chaque instant, toute la force chancelante qui faisait avancer... cette même force qui en ce moment lui faisait commettre des folies et des entreprises aussi audacieuses que suicidaires.

Sentant que curieusement sa compagne ne semblait pas du tout hostile à son initiative, elle se sentit involontairement et simultanément rassurée et ragaillardie. Des sensations électrisantes parcouraient ses terminaisons nerveuses, revivifiant son corps et son esprit embrumé par les coups de tout à l'heure. De plus tout cela était comme un havre de douceur réconfortante contrastant drastiquement avec la violence et la mauvaise ambiance que suscitaient ces lieux décadents et froids... Chez Maugan tout n'était que douceur féminine et un mystère profond dans lequel elle brûlait de se perdre. Oui... certainement que l'adrénaline lui montait à la tête dopant sa sensibilité, mais en ce moment elle n'en avait rien à secouer, elle se sentait bien... merveilleusement bien. Leurs deux corps se frôlaient délicatement, leurs peaux se touchant puisque toutes deux dans leurs tenues allaient ventre nu, et c'était une sensation grisante que la demoiselle n'avait encore jamais expérimenté... Soutenant la cuisse de Maugan pour lui faciliter la tâche, elle se rendit un instant compte qu'elles semblaient embarquées dans un étrange et intime tango... ce qui ne l'empêcha pas de continuer car sa raison était de toute façon trop embourbée dans les vaporeuses et enfumées poussées d'adrénaline. Pianotant alors sur la taille de guêpe de l'Ombre pour temporiser le temps qu'elle enlève son haut, elle rosit légèrement en ne pouvant pas ignorer la nudité qui se dressait sous ses yeux, mais rapidement elle l'attira plus près, pour que cette opulente poitrine rencontre doucement le métal froid de son poitrail métallique. Murmurant tout bas elle sourit, prise d'une confiance qu'elle n'avait absolument pas en temps normal. Par les pénates Malariannes, si le Haut Conseil voyait ça... Bon en fait elle aurait peut être entendu le tocsin sous la robe austère de la justice...

- Que la dualité soit, que la lascivité soit,... que le plaisir soit!

Oui encore un peu de choc thermique qui ne faisait pas de mal, mais surtout une raison qu'elle se faisait car elle ne pouvait s'en dépouiller pour deux motifs. D'une part parce que c'était un bien précieux qu'elle devrait récupérer en cas de fuite, et d'autre part parce qu'elle ne portait pas grand chose en dessous et que son exhibitionnisme avait des limites. Tentant de faire encore fonctionner son cerveau sur les paroles proférées par l'assassin, elle finit par laisser tomber en se rendant compte qu'elle ne pourrait décrypter le message correctement. Tant pis, cela ne devait être guère de bien important. Posant une main sur la joue de la dame au chakra géant, Luhiel la darda de ses prunelles bleues devenues presque d'un argenté scintillant avant de se pencher pour unir leur lippes dans un savoureux baiser. Ses paupières se fermèrent alors pour mieux jouir de cet éphémère plaisir, tandis que déjà l'un des gardes, le plus jeune s'était approché innocemment en entendant des bruits suspects. S'arrêtant alors brusquement complètement interdit et n'en croyant pas ses yeux, il fut juste fichu d'appeler son collègue afin qu'il vienne aussi profiter du spectacle... Rapidement, il fut donc suivi par l'autre garde ronchon... qui pourtant perdit rapidement son latin également devant pareille scène n'étant même pas retranscriptible dans ses fantasmes manquant d'imagination. Jurant tout bas, il secoua vigoureusement la tête comme pour essayer de chasser les idées saugrenues... mais finalement il semblerait que ce soit en vain. Foutant quelques coups de coude devant le jeunot qui lui manquait carrément de baver dans une réaction purement masculine et animale, il se voyait bien difficilement reprendre ses esprits étant donné que son homologue était encore plus troublé que lui. Silencieux, il fut pourtant pris de court par le nouveau qui contrairement à ce qu'il l'aurait espéré, ne comptait pas interrompre les deux complices semblant fortement... occupées.

- Hey les demoiselles... vous avez pas besoin d'un peu de compagnie?

Bon c'était brut, idiot, naïf et prévisible,... Mais au moins il semblait déjà moins coincé que le vieux... ce fut ce que pensa Luhiel quelque part entre deux baisers enflammés. Ouvrant un oeil provocateur, elle recula son visage pendant quelques instants et fit un clin d'oeil aguicheur au plus jeune avant de remonter sa main de la cuisse vers la fesse de Maugan, l'agrippant fermement mais dans une caresse qui témoignait d'une expérience qu'elle ne possédait pas. Comme quoi même elle pouvait être une bonne actrice... Restait seulement à voir comment réagirait le plus vieux, car si leur petit jeu était bien parti... il fallait encore que ça continue.

Si il est vrai qu'elle gardait fort bien à l'esprit que tout cela n'était qu'une espèce de drôle de jeu qui leur permettrait de se sortir du pétrin et leur ouvrirait une porte de sortie hors de ces cachots, il était tout aussi vrai que c'était pour le moins... instructif. Peu ou même pas initiée à ce genre de choses, Luhiel laissait parler la nécessité afin de ne pas se braquer dans sa morale stricte et ses prérogatives... Si seulement Caym voyait ça il serait certainement horrifié, et il aurait raison. Ce qui la prenait elle ne le savait pas, mais ce qui est certain c'est que de toute façon il était trop tard pour faire machine arrière. En plus de ça son corps ne serait pas d'accord, lui qui s'éveillait à des plaisirs charnels qu'il avait jusque là ignoré et refusé d'exploiter. Comme quoi toutes les expériences étaient bonnes à vivre... c'était une vrai leçon de vie... aussi lascive soit-elle.

Le fait est que sous ses mains se dressait la peau suave de l'Ombre, aussi opalescente et désirable que la plus mystérieuse des demoiselles des mille et une nuits. Dommage que le décor ambiant ne soit point aussi somptueux, car tout cela manquait légèrement de confort, mais après tout on ne pouvait pas tout avoir... c'était déjà une chance que sa compagne soit si bien faite, ce qui au moins n'était point repoussant pour ce qui était de jouer la comédie. Mais la jouaient-elles vraiment à présent? Qui saurait le dire?? Elle même ne tentait plus de discerner la réalité de l'imaginaire car ce n'était point le moment. Les gardes semblaient exhaler la perversion en même temps que la frustration de ne pas encore pouvoir participer. Un espoir qui se verrait très rapidement fané sans explications ni préambules car jamais elle ne laisserait ces hommes poser une de leurs salles pattes sur elle. Hors de question... non jamais. Ignorant tacitement le commentaire prévisible et au combien stéréotypé du plus jeune, elle continua de plus belle, se frottant doucement contre sa partenaire. Tâtant la peau de la fesse féminine sous sa main sans se priver, elle sourit coquine tout en soutenant le dos arc bouté de sa partenaire alors qu'elle se pencha pour embrasser sa gorge tout en descendant lentement.

Soudainement les rôles s'inversèrent pourtant, et Maugan prit passablement les devants afin d'accélérer les choses. Peut être qu'en effet c'était le mieux à faire étant donné que leurs libidos risquaient de s'en retrouver considérablement échauffées. Heureusement que Luhiel s'efforçait de garder un minimum de bon sens pour ne pas sombrer simplement dans la luxure... car ce serait délicieux mais meurtrier à la fois. Profitant des caresses qui lui étaient prodiguées, elle oubliait un instant la bienséance, la discrétion... le tout était une question de survie et rien de plus... Laissant s'échapper un soupir qui pourrait tromper même l'oreille la plus attentive, elle se complaisait et jouissait pleinement de ce qui se passait car elle avait le pré-sentiment que comme il était logique les deux hommes ne pourraient pas tenir encore bien longtemps juste en regardant. D'ailleurs elle commençait à effleurer sa poitrine de ses petites mains lorsqu'elle entendit le cliquetis fatidique, ainsi que quelques bougonnements échangés entre les gardes, et la porte qui grinçait.

Entendant le seul mot prononcé par la sulfureuse brune, elle sourit dans un geste démontrant de leur connivence et lui vola un dernier baiser pour la forme. Se rendant par la suite compte qu'elle lui avait laissé le plus jeune, elle respira un peu... c'était fair play et surtout bien joué car si Luhiel était désinhibée par la nécessité, elle avait tout de même ses limites, et toute bonne actrice qu'elle soit elle ne pourrait simuler une attirance qu'elle n'avait pas.
Attirant pourtant le jeunot par la main, elle le plaqua contre un mur et posa ses mains gelées sous sa cuirasse légère. Fort heureusement l'équipement des militaires de bas étage était assez médiocre pour qu'elle puisse se le permettre, car autrement les choses seraient bien plus compliquées. L'entendant soupirer d'étonnement, elle poursuivit sur sa lancée et se colla à lui en se dandinant un minimum. Faisant de lui son jouet du moment, elle approcha son visage du sien dans une tentation momentanée, mais se recula au dernier instant, le laissant déconcerté au possible. Collant alors ses lèvres à son lobe en glissant une main dans sa nuque, elle lui demanda dans un murmure:

- Qui est ton supérieur, dis moi? Et ou est le dépôt des prisonniers?

Abasourdi, naïf et le souffle court il n'était pas trop capable de réfléchir avec son cerveau, alors il lui répondit machinalement... Ne se doutant pas un instant que tout cela allait prendre fin d'un instant à l'autre.

- Heu... Sparda Symanth m'dame... et le dépôt est à l'étage mais pourquoi...?

- Bien parfait donc, merci... Tu le salueras pour moi et tâche de ne pas l'oublier. Dis lui que Luhiel est libre est sera son pire cauchemar dorénavant!

Sur ces belles paroles elle sourit mystérieusement, et dès qu'elle entendit un bruit du aux giclées de sang, elle appliqua un coup sec sur la nuque du jeune homme, lui faisait illico perdre connaissance. Elle ne tuerait pas d'innocents comme il l'était stipulé dans les règles de sa caste, et en passant elle se permettait aussi le luxe d'envoyer un message différé à son cher frère. Il payerait son attitude dans la taverne, c'était une question d'honneur. De toute façon il saurait qu'elle s'était évadée, mais elle doutait qu'il l'étale en public car ce serait honteux pour lui de devoir avouer qu'une de ses prisonnières avait réussi à s'évader en corrompant l'un de ses propres hommes. Si ce débutant devait mourir sous sa main par pénitence cela ne la regardait plus... après tout c'était à cause de sa libido qu'il s'était fait berner. Le laissant donc choir sans douceur, elle s'écarta et glissa une œillade vers sa complice. Déshabillée et ainsi dégoulinante de sang elle faisait un peu peur... mais après tout elles étaient dans le même bateau, et bien que ses méthodes soient plus mesurées, elles n'en étaient que plus calculatrices. Se redressant en reprenant tant bien que mal son sérieux, elle avait encore regardé avidement Maugan sans pour autant se permettre des commentaires. Prenant donc les clés restées sur la porte, elle invita cette dernière à sortir et referma la porte à clé avec les deux soldats à l'intérieur. De toute façon le plus jeune en avait pour plusieurs heures d'un lourd sommeil, et leur emprisonnement en plus de les ridiculiser remettrait l'alerte à plus tard... lorsqu'elles seraient déjà loin.

- Sortons donc d'ici il est temps que je prenne l'air... et il est temps que Nathaniel paye pour cela. L'entrepôt qui détient mes affaires est au dessus... et je suis sûre que la clé doit être quelque part dans ce trousseau. Dans le pire je peux également défoncer la porte, mais l'entrée perdra de son caractère silencieux...

C'est certain c'était brut, mais c'était quelque part dans sa nature d'être capable d'allier la plus grande douceur à la plus grande bestialité... et Maugan en savait maintenant un rayon. Et puis de toute façon comme elle l'avait déjà entendu dire quelque part: «  Lorsque la porte est fermée, défonce la fenêtre. »

Il est certain que passer de la séduction affichée à la barbarie meurtrière était particulier, et ce n'était pas souvent que Luhiel se retrouvait dans cette situation. Heureusement d'ailleurs, car si elle devait à chaque fois s'adonner à des « parties de plaisir » pour se voir libérée du joug de l'ennemi - en plus en n'étant même pas certaine que Maugan n'était pas un ennemi lui même (ou elle même) - elle n'avait pas «  le cul sorti des ronces », comme on dit. Mais de toute façon un peu plus ou un peu moins Luhiel n'était pas à ça près après avoir vécu ce qui lui était tombé dessus depuis plus ou moins deux jours. Il fallait dire qu'en si peu de temps rencontrer un inconnu, retrouver ses deux frères, se faire rosser comme une malpropre dans la case prison et finalement projeter d'assassiner un tyran, le compte commençait à être rondelet ! Mais ce n'était pas ce qui l'arrêterait, surtout qu'elles auraient du pain sur la planche. Se méfiant tout de même des coups de trafalgard qui pourraient découler de cette alliance à la base contre nature, elle ne pouvait de toute façon faire machine arrière. Voyant une fenêtre donnant sur l'extérieur, elle demeura à couvert mais respira d'un grand coup pour se calmer tandis que sa compagne s'épongeait le corps afin d'annihiler toute trace suspecte.

L'adrénaline demeurait constante bien que les frayeurs claustrophobes se calment, et dans un sens ce n'était pas plus mal. Être dans le feu de l'action lui permettait au moins de ne pas trop s'arrêter pour réfléchir à l'ampleur de la connerie osée qu'elles s'apprêtaient à réaliser. C'est sur que s'infiltrer dans le château depuis les cachots et œuvrer par la manipulation comme la force pour tuer le suzerain, c'était pour le moins culotté... mais la Malarian sentait que le plus compliqué serait encore de repartir, même avec le bordel monstrueux qui commença à prendre forme lorsque les prisonniers furent libérés. La frustration ravalée comme il lui était possible, la Blondine essayait de reprendre ses esprits car ce qui les attendait ne permettrait pas la moindre erreur. Les gardes seraient rapidement alertés par le bruit, et il y avait fort à parier que ce même endroit qui était presque désert en ce moment serait bondé dans les cinq minutes à venir, dix tout au plus.

- Bleue ça dépend pour quoi je suppose. Avoir de la retenue ne veut pas toujours dire que l'on a la poignée de son épée coincée entre ses fesses ! Mais trêve de bavardage, dépêchons-nous il ne va pas faire bon vivre ici dans les prochains heures ! En haut? Bien j'y vais.

Elle avait souri en lâchant son premier commentaire, car elle préférait ça à un malaise qui viendrait sûrement après coup, une fois la tension retombée. Elle n'avait pas de regrets mais savait parfaitement que l'urgence avait agi comme un dopant, comme une drogue lui embourbant les sens et brûlant sa retenue à la vitesse grand V. Ce qui laissait aisément deviner qu'une fois au calme, les remarques de l'actrice pourraient peut être la mettre mal à l'aise. Quoi qu'il en soit, après avoir écouté le bruits dans les couloirs et les escaliers et avoir vérifié qu'il n'y avait personne, elle s'engagea selon les direction données et essaya d'ouvrir la porte avec le trousseau auparavant dérobé. Trois puis quatre clés et toujours rien... Jurant entre dents elle se promettait déjà d'enfoncer la porte si elle ratait l'essai suivant, mais fort heureusement pour cette dernière, cette tentative fut la bonne. Entrant en fermant la porte derrière elle afin de ne pas se faire prendre littéralement la main dans le sac, Luhiel aperçut assez facilement son imposante épée et sa sacoche trônant non loin. S'en équipant en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, elle inspecta également ce qu'il y avait dans le coin. Des babioles sans valeur, des bourses aussi vides que la sienne, des armes rouillées... rien de bien intéressant... à part peut être un vieux baluchon qui sentait les herbes. Alors comme ça ils s'en prenaient aussi aux herboristes? Souriant elle fouina dedans et trouva une bourse bien remplie enveloppée dans une vieille cape. Voler n'était pas une habitude, mais ce coup-ci ce n'était que le du remboursement pour une condamnation injustifiée. Contente de sa trouvaille, elle entreprit de retrouver Maugan et sortit à nouveau. Pas de chance cette fois-ci un garde qui semblait perdu se dirigeait vers les escaliers alors que Luhiel venait de sortir de son antre au trésor. Souriant amusée et surtout grisée par les événements, elle cria à l'encontre de sa complice afin de la prévenir. Un coup de pied dans le dos du malheureux le précipita la tête la première... dans un cliquetis métallique qui n'était plus rien si comparé au boucan dans l'étage du dessous.

- Attention, boulet déferlant !!!

La voyant finalement la rejoindre, elle lui sourit de toutes ses dents, visiblement de bonne humeur. On croirait presque qu'elle s'en allait joyeusement prendre du bon temps au lieu d'exécuter un roi... comme quoi rien n'était impossible. Il fallait également dire que la cause valait les risques ainsi que cette alliance improbable, Nathaniel était un régent inapte, arrogant et imbu de lui même, incestueux et ignoble, sans parler de sa tyrannie ayant peu de rivales sur les royaumes libres d'Erade. Ce règne impie devait prendre fin d'une manière ou d'une autre, et c'était avec un plaisir non dissimulé que cette fois-ci elle rendrait justice de ses mains. De toute façon si elles ne le faisaient pas, d'autres s'en donneraient à cœur joie tôt ou tard, surtout si cette Alexandra était aussi inapte que son père, ce dont elle ne doutait pas vraiment. Les hautes sphères étaient un milieu ou les seuls survivants étaient les forts, qu'ils soient justes ou corrompus, et pour autant qu'elle le sache cette princesse délicate et égoïste n'était pas du tout dans cette catégorie. Continuant alors d'avancer pour vérifier qu'il n'y avait encore personne, Luhiel lui parlait en même temps pour tenter de peaufiner leur plan. C'était bien beau d'avoir attiré l'attention ailleurs, mais maintenant il faudrait également traverser les mailles du filet de militaires débarquant afin de remonter à contre courant... et ça ce ne serait pas tâche aisée.

- Selon mes sources, il est toujours accompagné d'une créature aussi étrange qu'impressionnante, une sorte de golem enflammé parait-il. Je ne saurais dire si cela est vrai ou non, mais dans tous les cas il vaut mieux rester prudentes et s'attendre à toute espèce de mauvaise surprise. Après tout il devait être paranoïaque étant donné tous les gens qui auraient payé pour avoir sa tête... Cependant je ne sais pas comment nous allons faire pour éviter la marée humaine... le plus dur sera de les éviter dans notre ascension... ensuite nous infiltrer sera presque un jeu d'enfants. Mais d'ici là, il faut trouver...

Recommençant à monter les escaliers quatre à quatre pour gagner du temps, Luhiel ne semblait pas encombrée de la lourdeur de son arme, puisqu'elle avait depuis longtemps l'habitude. Cependant elle se retournait de temps en temps pour vérifier que Maugan n'avait pas du mal à suivre, ce dont elle ne doutait pas. Après tout les images de ce chakram géant ne lui quittaient pas les rétines, sans même parler de la froideur assassine des gestes qui avaient ôté la vie de ce pauvre malheureux en bas. Il n'était pas exclu qu'à un moment donné elle lui tourne le dos, certainement une fois que le sale boulot serait fait... D'ici là... il leur fallait faire attention. S'embarquant alors, Luhiel entendit un bruit au loin et s'immobilisa net, avant de par réflexe entraîner Maugan avec elle dans une faille du mur servant probablement en temps normal de poste d'observation pour un seul homme. Se retrouvant à nouveau nez à nez avec l'ombre alors que leurs corps se frôlaient, elle soupira lorsqu'elle entendit la garde se précipiter en descendant sans même regarder sur les côtés... Moins une. Mais échapperaient-elles à la prochaine??